Page:Revue de métaphysique et de morale, 1898.djvu/346

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’adaptation devient plus précise et plus claire quand on passe du monde physique et même vivant au monde social. Savons-nous au juste ce que c’est que l’adaptation d’une molécule acide à la molécule basique avec laquelle elle se combine, ou ce que c’est que l’adaptation d’un grain de pollen à l’ovule qui, féconde par lui, donnera naissance à un individu nouveau, souche peut-être d’une nouvelle race ? Nous n’en savons rien. Il est vrai que, lorsque deux ondes sonores, en interférant, au lieu de s’entredétruire s’entraident et produisent un renforcement du son ou un timbre inattendu, nous sommes un peu mieux éclairés sur la nature du phénomène ; mais c’est qu’à vrai dire, ce simple renforcement de son, ou même la production de ce timbre, qui n’est une création originale qu’au point de vue subjectif de nos sensations acoustiques, n’ont rien de commun avec le fait, objectivement novateur, de la combinaison chimique. De même, quand deux espèces animales ou végétales, en se rencontrant, se servent mutuellement d’aide et de parasite l’une à l’autre, ce cas très clair de mutualisme vivant donne lieu à un simple accroissement de leur bien-être et de leur propagation et ne doit pas être confondu avec la cas de la fécondation, qui reste très obscur. Mais, quand une interférence heureuse se produit entre deux rayonnements imitatifs, quelle qu’elle soit, elle est toujours transparente pour notre raison. Elle peut consister simplement à les stimuler l’un par l’autre — comme lorsque la propagation du bec Auer favorise celle du gaz et réciproquement, ou comme lorsque la propagation de la langue française favorise celle de la littérature française qui la favorise à son tour. — Il se peut aussi que cette interférence ait une efficacité plus profonde et provoque une invention nouvelle, foyer d’une nouvelle imitation rayonnante, — comme lorsque la propagation du cuivre, se rencontrant un jour avec celle de l’étain, a suggéré l’idée de fabriquer le bronze, ou comme lorsque la connaissance de l’algèbre et celle de la géométrie ont suggéré à Descartes l’expression algébrique des courbes. — Mais, dans le dernier cas comme dans le premier, nous voyons très clairement que l’adaptation est un rapport logique ou téléologique et qu’elle se ramené à l’un ou à l’autre de ces deux types ; tantôt elle est, comme la loi de Newton, comme n’importe quelle loi scientifique, une synthèse d’idées qui auparavant ne semblaient ni se confirmer ni se contredire, et qui maintenant se confirment mutuellement, conséquences d’un même principe; tantôt elle est, comme une machine industrielle quelconque,