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E. CHARTIER.COMMENTAIRE AUX FRAGMENTS DE J. LAGNEAU.

nément rapportés par l’esprit ; ce son est la base de la mélodie. Parmi les autres, certains sons apparaissent immédiatement comme identiques à lui, certains autres comme presque identiques à lui, d’autres comme étant dans des rapports plus ou moins étroits avec lui.

Considérons le son fondamental d’une mélodie, et, parmi tous les autres, celui qui lui ressemble le plus sans se confondre avec lui, c’est-à-dire celui dont la vibration a une durée deux fois moindre que la sienne. L’intervalle qui sépare ces deux sons comporte une série de notes intermédiaires par lesquelles il est possible de passer graduellement du premier au deuxième. Entre toutes ces notes intermédiaires, certaines notes ont entre elles des rapports qui font d’elles un tout complet. Ces notes intermédiaires constituent, avec les deux notes extrêmes, la tonalité.

De quoi résulte cette attraction qu’ont les unes pour les autres les notes de la tonalité ? De ce que ces notes appartiennent presque toutes à deux accords, c’est-à-dire à deux ensembles de notes qui, entendus à part l’un de l’autre, produisent sur l’oreille une impression agréable. Le premier est l’accord parfait ; le second, l’accord de dominante. Nous ayons ainsi six notes de la tonalité. La septième sera la dominante d’un accord construit sur la dominante du deuxième accord[1].

On obtient ainsi la succession de sons appelée gamme, qui est un enchevêtrement de notes empruntées à trois accords. Mais certaines de ces notes appartiendront à deux de ces accords. La perception de la mélodie résulte de ce que les notes d’une mélodie sont toutes perçues par rapport à deux ou trois accords. Chacune des notes d’une mélodie n’est donc pas perçue en elle-même, mais dans un accord. Si cet accord n’est pas l’accord de tonique, il est à son tour perçu par rapport à la note de tonique, de sorte que la perception de mélodie résulte, dans ses diverses variétés, du plus ou moins grand éloignement des notes qui la constituent par rapport à la note fondamentale. Cette perception est donc très analogue à la perception de rythme, qui consiste elle aussi dans une mesure, ou plutôt dans un ensemble de mesures plus ou moins directement faites par des

  1. Il est clair que c’est là une description plutôt qu’une explication, et qu’une théorie philosophique de la musique est encore à faire. Lagneau l’a tenté plusieurs fois, toujours en partant des lois du rythme, et en concevant l’harmonie comme résultant de la connaissance inconsciente d’un rythme.