de la perception, science instinctive en partie, à l’expérience, puis à la science déductive, qui nous conduit à la raison proprement dite. De même l’effort et le travail sont des intermédiaires entre l’impulsion et la volonté. Avec un peu plus de réflexion, on comprendra la prédominance de la fonction intelligence, qui fait passer naturellement l’être pensant du degré inférieur au degré supérieur. Par exemple, l’intelligence appliquée à l’émotion la transforme en sentiment. Appliquez à l’émotion physique qui résulte d’une brûlure l’intelligence qui se souvient et prévoit, vous obtiendrez la crainte de la brûlure, qui est un sentiment. L’impulsion accompagnée d’une connaissance raisonnée devient volonté, et ainsi du reste.
Mais ce qui sera particulièrement instructif ce sera de chercher dans ce tableau de la Vie Pensante la confirmation de deux grands principes qui en sont en quelque sorte la clef.
Premier principe : les formes supérieures reposent sur les formes inférieures. Ce principe n’est que la constatation de l’imperfection de toute pensée consciente. L’entendement repose sur la sensation et ne serait rien sans elle ; la volonté, en dehors de l’impulsion généreuse qui vient de la nature, n’est qu’une abstraction. De même le pur sentiment n’existe pas ; tout sentiment se greffe sur l’émotion, signe de la vie. De même aussi la vie rationnelle repose sur la vie moyenne de l’entendement, du sentiment et de la volonté. Tout repose donc en définitive sur la nature, et la plus sublime idée suppose un corps vivant.
Deuxième principe : les formes inférieures s’expliquent par les formes supérieures. L’ordre de dépendance qui vient d’être exposé n’est qu’un ordre apparent. Au fond la Pensée n’est pas susceptible de degrés ; toute pensée suppose la Pensée, et par conséquent il y a comme condition, au fond de tout acte de pensée, la pensée parfaite. Par exemple, qu’est la perception, sinon une science implicite ? La Science même suppose au fond des jugements indépendants de tout objet, par lesquels nous affirmons l’existence d’une vérité et la valeur de la Raison ; cette libre affirmation, qui est la Raison même, est ainsi le soutien et la condition de la Science et de la perception. De même il faut déjà qu’il y ait au fond de l’émotion une action spontanée, sans quoi il n’y aurait même pas d’émotion, c’est-à-dire de lutte entre notre nature et des obstacles. De même aussi l’impulsion ne se suffit pas à elle-même ; elle manifeste une expansion naturelle, une générosité instinctive qui n’est que la Liberté implicite. Ainsi