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E. CHARTIER.COMMENTAIRE AUX FRAGMENTS DE J. LAGNEAU.

soit peut être considérée sous deux aspects différents. Elle a une matière ; ce contenu est essentiellement contingent ; on peut le concevoir de toutes les façons possibles ; il faut simplement qu’il soit ; le contenu de la pensée est donc absolue multiplicité. Mais d’autre part le contenant, ce qui est affirmé du contenu, est toujours la même chose, à savoir que le contenu est, ne fait qu’un avec tout ce qui est. Unité et diversité, tels sont les deux aspects nécessaires de la pensée. L’un est plus essentiel à la pensée que l’autre c’est seulement en tant que la pensée affirme ce qui est qu’elle pense ; la simple présence dans la pensée de la multiplicité indéfinie ne constitue pas la pensée.

Qu’est-ce qu’affirmer l’être de cette multiplicité ? C’est penser la réaction universelle de tout ce qui est sur tout ce qui est. On ne penserait pas si on ne jugeait pas que le monde est une multiplicité absolue, qu’il y a une diversité indéfinie de manières d’être. Mais la pensée ne se borne pas à affirmer l’existence d’une multiplicité de manières d’être. Elle affirme que ces manières d’être constituent un seul tout, c’est-à-dire que chaque élément exprime tous les autres, c’est-à-dire qu’il est en rapport d’action et de réaction avec tous les autres. L’être ne consiste pas dans une pure abstraction, mais dans le fait que chaque partie du tout réagit sur le tout. La pensée est une action qui a toujours pour objet une action. L’objet de la pensée c’est l’universelle action et réaction. Ce que l’idée de la sensation exprime, c’est la nécessité de cet élément de la pensée. Penser une table ce n’est pas la créer ; c’est penser que la table existe, c’est-à-dire que la pensée résulte de l’action de l’objet actuel de la pensée, qui est une table.

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En contenant implicitement la physiologie. Le corps, avec sa structure et ses fonctions, n’est, en effet, au point de vue de l’analyse réflexive que la représentation de conditions nécessaires de la connaissance, que cette analyse découvre. Voyez à ce sujet le commentaire du fragment 16.

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Cette pensée, ainsi que les fragments 79 et 80, ruine définitivement l’idée des « faits psychologiques », qui a égaré tant de bons esprits. Il est admis généralement qu’un « état d’âme » comme une colère, ou un chagrin, peuvent être observés comme des objets, grâce à la mémoire qui les fait revivre tout en nous laissant le sang--