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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

plus souvent ouverte à cette page qu’à aucune autre, et cette indication ne saurait avoir une médiocre importance. Les idées des choses particulières ou modes qui n’existent pas doivent être comprises dans l’idée infinie de Dieu de la même manière que les essences formelles des choses particulières ou modes sont contenues dans les attributs de Dieu. Cela veut dire qu’il y a autre chose de réel dans l’idée que l’existence dans la durée, de même qu’il y a autre chose de réel dans l’objet que l’existence dans la durée ; en d’autres termes, qu’il y a une vérité de tout ce qui apparaît indépendante du fait de l’apparition. Cela est facile à comprendre si l’on considère les choses sous l’attribut étendue : en supprimant tout mouvement ondulatoire, on ne détruirait pas les lois démontrées de la propagation des ondulations dans des milieux définis. Or il en est de même si l’on considère l’objet comme idée, c’est-à-dire sous l’attribut pensée. Il doit y avoir le même rapport entre une pensée et la pensée divine qu’entre un objet et l’étendue divine. De même que le cercle enferme éternellement une infinité de rectangles équivalents, et que ce rapport éternel est indépendant de l’existence en fait, dans la durée, de l’un ou de l’autre de ces rectangles, de même il y a entre nos idées, indépendamment de leur cours fortuit, des rapports éternels qui font qu’une idée, sans exister explicitement, est impliquée dans une autre. Seulement, tandis que, pour l’objet, la nécessité peut être conçue indépendamment de l’existence, pour l’idée cela n’est plus possible ; car une idée qui existe en droit existe en fait penser qu’une idée est nécessaire, c’est lui donner, et cela indépendamment du fait, toute l’existence qu’elle peut avoir. C’est ce qu’on exprime en disant que les idées sont impliquées les unes dans les autres, ou, si l’on veut, intérieures les unes aux autres. C’est pourquoi, alors que dans un objet on ne peut pas trouver tout le monde réel, dans une pensée on peut trouver toute la Pensée réelle ; c’est l’analyse de l’idée comme idée qui peut seule nous conduire à la connaissance de l’absolu.

Ainsi la pensée tout entière est impliquée dans toute pensée. Le philosophe est donc en présence d’un donné toujours présent et toujours suffisant ; il n’attend pas les choses et ne les poursuit pas, car toute chose lui convient pour l’usage qu’il en veut faire : un encrier, une montre, un cahier, suffisaient aux recherches de Lagneau. Et la réalité même de l’objet considéré n’importe nullement ; car il ne s’agit pas de savoir si je suis ou non dupe d’apparences trompeuses, ni si ma connaissance est vraie ou fausse, mais seulement d’examiner