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REVUE
DE
MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE


LA MESURE DU TEMPS

I. — Tant que l’on ne sort pas du domaine de la conscience, la notion du temps est relativement claire. Non seulement nous distinguons sans peine la sensation présente du souvenir des sensations passées ou de la prévision des sensations futures ; mais nous savons parfaitement ce que nous voulons dire quand nous affirmons que, de deux phénomènes conscients dont nous avons conservé le souvenir, l’un a été antérieur à l’autre ; ou bien que, de deux phénomènes conscients prévus, l’un sera antérieur à l’autre.

Quand nous disons que deux faits conscients sont simultanés, nous voulons dire qu’ils se pénètrent profondément l’un l’autre de telle sorte que l’analyse ne peut les séparer sans les mutiler.

L’ordre dans lequel nous rangeons les phénomènes conscients ne comporte aucun arbitraire. Il nous est imposé et nous n’y pouvons rien changer.

Je n’ai qu’une observation à ajouter. Pour qu’un ensemble de sensations soit devenu un souvenir susceptible d’être classé dans le temps, il faut qu’il ait cessé d’être actuel, que nous ayons perdu le sens de son infinie complexité, sans quoi il serait resté actuel. Il faut qu’il ait pour ainsi dire cristallisé autour d’un centre d’associations d’idées qui sera comme une sorte d’étiquette. Ce n’est que quand ils auront ainsi perdu toute vie que nous pourrons classer nos sou-