Page:Revue de métaphysique et de morale, 1935.djvu/14

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donner avec la nôtre, de la même façon que Copernic s’installait dans le soleil pour relier entre eux et prévoir les mouvements de notre planète ?

Science et morale cessent d’apparaître antagonistes. Unies, elles nous mènent à la source de leur unité. Dieu reconquiert toute sa dignité du moment qu’il n’est plus aperçu à travers l’orgueil involontaire de notre privilège terrestre et humain. Il ne s’assimile pas à une chose qui serait donnée dans une expérience particulière, mi a un concept qui serait issu d’un raisonnement abstrait ; il n’est pas un objet de vérité qui se détacherait pour lui-même dans on ne sait quelle région du réel, ni même un objet d’amour que l’on ferait entrer en concurrence avec d’autres objets. Il est ce par quoi nous sommes capables de comprendre et d’aimer, sans jamais tarir la source de notre intelligence, limiter notre affection ou la retourner vers notre intérêt personnel. Il est ce par quoi nous vivons, les uns et les autres, d’une même vie de l’esprit. Et, si nous avons la prétention de nous transporter au delà sur le plan réaliste d’une physique surnaturelle et d’une biologie transfigurée, nous sommes effectivement ramenés en deçà, comme le montre avec évidence l’histoire comparée des religions, élargie et fortifiée par les résultats connexes de la préhistoire et de l’ethnographie.

Grâce à cette spiritualisation réciproque de Dieu et de l’homme, qui refuse toute détermination locale, qui dépasse toute contingence temporelle, l’idéalisme contemporain rejoint Platon sur le sommet où il s’était établi quand il a explicitement rejeté le panthéisme professé, semble-t-il, par ses maîtres éléatiques et qu’il a soustrait l’idée pure de l’Un-Bien au mirage d’une ontologie substantialiste. Dès le quatrième siècle avant Jésus-Christ, l’humanité aurait tenu Je dernier mot de la religion si le même Platon n’avait, dans la majeure partie de son œuvre écrite, sacrifié la vérité de sa pensée à un souci d’adaptation pédagogique et politique. Lui qui avait chassé les poètes de sa République afin de la préserver contre la malfaisance de ce que M. Bergson appelle la « fonction fabulatrice », il s’est départi brusquement de l’ascétisme rationnel jusqu’à remplir le Timée, le Phèdre, le Phédon, de mythes sur la naissance du temps et sur l’organisation du monde, sur la chute des âmes et sur le sort qui leur est réservé dans un au-delà mystérieux. Et l’on sait comment il finit,