Page:Revue de métaphysique et de morale, année 16, numéro 6, 1908.djvu/101

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[783] Est-ce, comme on l'a souvent prétendu, la définition de la substance, originairement admise par Spinoza, qui a engendré dans le système spinoziste la thèse de l'unité de substance ? Il peut sembler au contraire, après examen, que cette définition, avec les caractères qui en déterminent le sens, aboutirait logiquement à une conception « pluraliste » plutôt que « moniste », et que c'est la définition de Dieu, non celle de la substance, qui va droit à la négation de toute autre substance que Dieu.

Pour expliquer la façon dont s'est constituée chez Spinoza la notion de substance, il ne faut pas perdre de vue la relation d'identité qu'elle a eue de bonne heure et que même elle a conservée chez lui avec celle d'attribut. Il y a eu là sans doute une influence de Descartes. On sait que si Descartes paraît faire quelquefois de la substance une espèce de réalité indéterminée et indépendante de ses attributs, il l'identifie ailleurs catégoriquement avec son attribut principal : la pensée peut être dite également attribut principal ou substance de l'âme, comme l'étendue peut être dite également attribut principal ou substance des corps ; une substance ou un attribut principal, c'est avant tout une essence, conçue, soit dans le sujet où elle est réalisée, soit dans la nature intelligible qui en fait l'objet d'une notion complète et distincte. Mais Descartes admettait d'autre part que toute essence de cette sorte peut se répéter en une multitude d'êtres, autrement dit, qu'il peut y avoir une pluralité de substances de même attribut ; quelque difficulté qu'il eût eu à trouver, surtout pour le monde des corps, un fondement solide à la distinction des substances finies individuelles, il n'en était pas venu à considérer que l'identité de l'essence doit avoir pour suite l'unité de la substance qu'elle constitue, et que la diversité des êtres de même nature [784]