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Page:Revue de métaphysique et de morale, année 16, numéro 6, 1908.djvu/171

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et finit même par réduire à des considérations de quantité des distinctions aussi fondamentales que celles existant entre l’électricité et la lumière.

Ainsi, la science, dans la marche qui l’éloigne du sens commun, ne retourne pas vers la sensation; au contraire elle pousse, toujours plus avant, dans la voie et dans la direction qui mènent de la sensation au sens commun. Elle crée de nouveaux objets qui ressemblent entièrement à ceux du réalisme naïf, ou même des êtres d’un ordre particulier où le trait distinctif de l’objet, la perdurabilité, se trouve poussé à l’absolu; elle fait prévaloir le concept de quantité là où le sens commun a été impuissant à accomplir cette tâche; et quand elle transforme l’image du réalisme naïf, ce n’est jamais qu’en substituant à l'objet un autre objet, dont la première condition est d’exister indépendamment de notre sensation.

La conclusion à laquelle nous venons de parvenir est-elle tout à fait générale? Il semble que Ton pourrait objecter qu’elle ne s’applique qu’à la science telle que nous la connaissons actuellement, celle qui suit les préceptes de Démocrite et de Descartes, qui tente de réduire la nature entière à la matière et au mouvement et qui, de ce chef, est farcie de théories explicatives et de suppositions sur le mode de production. Il est certain qu’Auguste Comte et ses sectateurs ont bien souvent fait des déclarations semblant impliquer qu’il suffirait de retrancher ces théories de la science pour que celle-ci devînt conformé au schéma positiviste. Mais, précisément, l’analyse à laquelle nous venons de nous livrer nous démontre que c’est là une prétention vaine. Quel devrait être le point de départ d’une science réellement détachée de toute conception ontologique, de toute hypothèse sur la chose en soi ? Elle ne pourrait évidemment prendre pour base que la sensation pure. Et, comme celle-ci se transforme en nous instantanément pour devenir perception,* il faudrait dissoudre ces associations pour retrouver les éléments primitifs. On reconstituerait ainsi une série d'états de conscience successifs, qu’on pourrait répartir entre les divers organes des sens, mais d’où tout ce qui a trait à une réalité extérieure serait banni.

Ces états de conscience variant sans cesse indépendamment de notre volonté, et la science, selon la définition bien connue d’Auguste Comte, consistant à prévoir pour agir, on pourrait étudier cette variation dans le temps, c’est-à-dire en fonction d’autres sensations dont on connaît et prévoit la périodicité, telles que le retour du jour et de la