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Page:Revue de métaphysique et de morale, année 16, numéro 6, 1908.djvu/172

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nuit ou celui des saisons. — On ne peut donc pas dire, semble-t-il, qu’une telle science serait absolument impossible; mais on voit tout de suite qu’elle s’écarterait énormément de la conception que s’en faisait Comte. Ce serait, en effet, une physique purement qualitative. Non seulement il faudrait en détacher tous ces développements dont la science actuelle est si justement fière et qui aboutissent, en dernier terme, à substituer la quantité à la qualité ; mais encore cette science nouvelle serait obligée de se passer à peu près complètement du secours de mathématiques ou du moins de celui de la géométrie. Il n’y a, semble-t-il, aucun doute qu’une science de ce genre serait étonnamment courte. Nos sensations sont en nombre infini et le retour de sensations réellement identiques est extrêmement rare; or, la science dont nous parlons ignorant l’existence d’un substrat permanent, d’un lien rattachant ces sensations l’une à l’autre, serait par là même très embarrassée pour prévoir leur apparition et leur disparition. Cette situation est la conséquence d’un fait primordial que nous avons tâché d’exposer autre part; à savoir que les suppositions sur la constance, la persistance dans le temps de certains éléments, suppositions qui ne s’expliquent pas par le postulat seul d’un ordre légal dans la nature, mais dérivent d’un principe indépendant, celui d’identité, s’accordent à tel point avec notre sensation, que la prévision s’en trouve énormément facilitée.

Les processus purement qualitatifs sont tellement étrangers à la marche normale de notre pensée, celle-ci est à tel point saturée des éléments constitutifs du sens commun, que dès qu’on essaie de se figurer la science non-substantialiste, on est saisi de doutes graves. Avons-nous retranché tout ce qui appartient à la réalité de sens commun? N’avons-nous pas, par l’excès contraire, enlevé des éléments qui font partie de la sensation propre? Il ne sera donc peut-être pas inutile de confirmer nos déductions par l’examen de théories qui se sont réellement produites dans la science.

Il va sans dire qu’une physique absolument qualitative, dans le sens que nous avons donné à ce terme, n’a jamais existé. Cependant, on sait que les conceptions qui se rattachent au nom de Démocrite n’ont pas gouverné la science à toutes les époques.

Aristote et ses sectateurs au moyen âge les ont sciemment ignorées et ont développé des idées qu’on a, non sans fondement, résumé sous le nom de: physique de la qualité. En effet, la physique péripatéticienne accepte bien le concept de quantité partout où l’introduit le sens commun,