Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 2, 1920.djvu/20

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tiqué il y a quelque temps par les ligues de consommateurs ; et, comme toujours, l’intérêt certain du public, masse amorphe, a été sacrifié ; comment pourtant peut-on parler de liberté là où il n’y a pas connaissance ? Comment la loi de l’offre et de la demande jouerait-elle réellement si seule une des deux parties en cause connaît les données du problème ?

La même question de la « vie au grand jour » dans les rapports sociaux se retrouve quand il s’agit de l’impôt. Que n’a-t-on pas écrit, à propos de l’impôt sur le revenu, contre la soi-disant inquisition fiscale, sur le secret des affaires, sur la nécessité où nous serions, pour être libres, de nous cacher les uns aux autres et de nous cacher à l’État ! Comme s’il n’était pas évident, sans entrer dans le détail très complexe des applications, qu’une pareille thèse implique non des rapports sociaux véritables, c’est-à-dire des rapports de confiance, de solidarité et de coopération, mais au contraire des rapports d’hostilité mutuelle, des rapports de guerre. C’est parce que jusqu’ici les rapports des nations sont avant tout des rapports de guerre que la diplomatie a été condamnée au secret perpétuel. C’est d’un ennemi qu’on se cache pour le tromper ou pour le surprendre. Mais on se confie à ses amis. Prôner le secret dans le domaine fiscal, c’est, sous réserve, je le répète, des détails de la pratique, admettre en principe que nos concitoyens et que l’État doivent être traités en ennemis ; et c’est bien, en effet, le sentiment qui anime plus ou moins consciemment toute cette doctrine. Dès longtemps d’ailleurs nos économistes célébraient volontiers les avantages de l’impôt de consommation, de l’impôt qu’on paye presque sans le savoir, de l’impôt hypocrite, sur les impôts directs et même personnels, qu’on mesure, que l’on peut payer en détail, mais qu’on connaît en bloc, et que l’on sait destiné aux caisses de l’État. Je tiens cependant de l’entourage d’un des plus gros financiers de Londres qu’en Angleterre les classes aisées, les « capitalistes », les « bourgeois » considéraient l’impôt sur le revenu, pourtant si lourd pour eux, comme très supérieur, justement parce que c’est l’impôt connu, avoué, consciemment accepté et payé. Si la théorie de nos économistes est plus prudente ou plus habile, c’est que nous sommes de moins bons contribuables. Où est cependant, je le demande, la meilleure éducation sociale, où est le sens le plus juste de la liberté en même temps que du devoir ? Où est la conception la plus libérale et la plus démocratique ? Si l’impôt est lourd, il faut qu’on sache qu’il est lourd. Comment sans cela le