la conscience, autrement qu’en commençant par former la réflexion morale, par constituer la personne morale elle-même et par rehausser à ses yeux sa propre dignité. C’était sans doute un moment particulièrement délicat du progrès moral.
D’autre part l’office d’une religion telle que le christianisme pouvait-il être d’une autre nature ? Il y a deux facteurs bien distincte dans la moralité, la Régulation et la Motivation. Il y a le code des règles à suivre et il y a le système des images, des sentiments, des sanctions admises, qui sont de nature à déterminer les volontés. Entre la régulation et la motivation, il n’y a pas un rapport rigoureux et fixe. La motivation dépend de l’état mental des individus, la régulation des exigences de chaque société. Par nature, les religions, et aussi bien le christianisme, en dehors des pratiques qui leur sont propres, ne peuvent guère faire qu’adopter les règles communes de vie sociale qui sont admises dans les milieux où elles règnent ; mais elles peuvent y ajouter un ensemble d’images, de symboles, de sentiments et d’émotions, de cérémonies suggestives ou commémoratives. propres à dresser ou à solliciter la volonté. Les croyants les plus attachés à l’Évangile sont les premiers à reconnaître qu’il est impossible d’y trouver un programme d’organisation politique, économique ou même familiale. Ce qu’ils y trouvent c’est un esprit, une inspiration qui rayonnera dans toutes les directions, selon les besoins du temps et du milieu. Et comment eût-il pu autrement s’adapter aux profondes transformations de la civilisation à travers une vingtaine de siècles ? Comment, si l’Évangile avait été un code, ce code fait pour les milieux de l’Empire romain, ou tout simplement pour le petit peuple juif, aurait-il pu rester celui de l’Europe féodale ou de la civilisation moderne ? Ce fut, en un sens, la condition de sa diffusion et de sa vitalité de n’être pas un système complet et de contenir plus de virtualités que de déterminations.
Seulement il faut bien, après avoir expliqué et par là même justifié en partie le développement de notre individualisme moral le subjectivisme de notre conscience, en reconnaître les inconvénients, aujourd’hui tangibles, et avouer qu’il est grand temps de rétablir l’équilibre entre la bonne volonté et ses fins, entre la vertu et ses usages sociaux, entre les intentions et les actes, entre la motivation et la régulation. Il paraît indispensable que notre éducation morale se retourne du sujet à l’objet, et demande à la conscience, maintenant qu’il y a une conscience, de regarder au dehors et non plus au