identique pour tous, valable pour tous les temps, on ait sacrifié le souci d’une morale efficace, agissante, réellement normative des activités diverses des hommes.
Dès lors ces activités ne reconnaîtront plus guère d’autre discipline que la logique de leur développement propre, les règles de leur technique spéciale ; mais elles perdront de vue, comme l’avait si fortement senti A. Comte, les exigences de l’ensemble social où elles s’insèrent, et qui seul, en leur donnant leur véritable sens, peut définir où est pour chacune d’elles le bien et le mal. Veut-on quelques exemples ?
L’industriel fabrique n’importe quoi, en n’importe quelles proportions, sans autre règle que la possibilité de vendre. Mais cette possibilité, il espère toujours pouvoir l’étendre par une réclame habile qui crée, sinon le besoin, du moins le désir. Cette réclame elle-même ne se pique guère de véracité, quoiqu’elle prenne souvent aujourd’hui, pour mieux séduire, des allures pseudo-scientifiques. Peu lui importe l’exactitude ou même la vraisemblance de ses affirmations, puisqu’elle sait que non seulement le contrôle est impossible à l’immense majorité des clients, mais surtout qu’elle ne saurait se heurter à aucun démenti. Tout fabricant cherche à donner à la marchandise l’apparence de ce qu’elle n’est pas : au coton l’apparence de laine ou de soie, à une étoffe creuse le toucher d’une étoffe forte, à la margarine l’aspect du beurre. Un chimiste gagne une fortune en découvrant un procédé pour incorporer au chocolat une plus forte proportion de sucre. « Paraître » n’est pas seulement une maxime de vie mondaine ; c’est un axiome économique. L’acheteur imagine que du moment qu’il est légitime possesseur de son argent, il n’a compte à rendre à personne de la manière dont il le dépense, sans comprendre que par cette dépense il encourt une responsabilité dans l’élévation des prix ou dans la direction de la production. Qui mesurera dans quelle proportion l’insouciance des nouveaux riches, et j’entends ici ceux de toute classe, n’a pas contribué à la hausse effrénée de tous les prix ? Le propriétaire considère le profit qu’il retire de son domaine, mais non pas l’utilisation la plus rationnelle du capital qu’il détient. Sans doute, en général, dans des circonstances normales les deux intérêts coïncident. Mais il peut arriver telle circonstance où il ait avantage à laisser son champ inculte, son terrain non bâti, sa maison inoccupée, son usine arrêtée, sa mine inexploitée il les laissera, La propriété appa-