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Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 1, 1909.djvu/10

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Philosophie, 4e édit., avec portrait liminaire (d’après Ch. Ritter), et une esquisse de la vie et de la doctrine de l’auteur par Hélène Claparède-Spir. Leipzig, Barth, 1908. — C’est à partir de 1890, à la date où Spir mourut, âgé seulement de cinquante-deux ans, que l’étude de sa philosophie s’est imposée à l’attention des penseurs et des écrivains. Il est assuré aujourd’hui que la doctrine de Spir demeurera au premier rang de celles qui représenteront les tendances les plus profondes et les plus élevées de la seconde moitié du xixe siècle. Spir n’était pas pessimiste, comme le dit avec raison sa fille, Mme Claparède-Spir dans la sobre et substantielle introduction qu’elle s’est fait un devoir d’écrire pour la présente édition : mais par lui se justifie et s’explique ce courant si fort qui portait les philosophes à refuser de s’incliner devant la croissance régulière du progrès matériel, devant la vulgarisation d’une sorte de naturalisme extra-scientifique. Il n’était le fidèle d’aucun culte positif : mais par lui aussi se comprend la volonté de maintenir, en dehors et à l’encontre même des organisations rituelles, les formes absolues de la vérité et de la moralité. Aux antagonismes essentiels qui dominent le cours de la pensée spéculative et de la vie collective, Spir avait réussi à donner, par le tour original de sa méditation, une forme si pénétrante et si simple qu’on peut ajouter enfin que son influence n’est nullement épuisée auprès de nos contemporains. La nécessité d’éditer pour la quatrième fois l’œuvre maîtresse du philosophe est à cet égard un témoignage significatif ; la Revue de Métaphysique, qui, dès la première année de son apparition, a fait connaître l’œuvre de Spir par une étude de M. Penjon, qui a publié en 1895 les Nouvelles esquisses de philosophie critique, enregistre l’événement comme la réparation d’une injustice envers un grand esprit qui a si cruellement souffert de son isolement.

René Descartes, Eine Einführung in seine Werke, par K. Jungmann, 1 vol. in-8 de viii-234 p., Leipzig, F. Eckardt, 1908. — Voici le premier ouvrage d’ensemble qui soit consacré à Descartes, depuis la publication de la correspondance dans l’édition de MM. Tannery et Adam. L’auteur se propose de donner une connaissance claire de l’ensemble des doctrines de Descartes. Il veut se placer à un point de vue purement historique (p. vii). Après un examen très sommaire de la méthode cartésienne, M. Jungmann étudie successivement la mathématique universelle, la théorie de la connaissance, le système des sciences (métaphysique, physique, psychologie). Le dernier chapitre contient une revue rapide des diverses œuvres de Descartes. L’idée maîtresse du livre est que Descartes est avant tout un savant ; la philosophie, au sens moderne du mot n’a chez lui qu’une place secondaire. Les indications les plus intéressantes de M. Jungmann sont relatives à la mathématique universelle, selon lui, la mathématique est essentiellement, pour Descartes, la géométrie (p. 12), science des relations d’ordre et des relations métriques. La géométrie a été clairement définie par les anciens, surtout par Archimède ; la formation d’une scolastique mathématique a empêché les modernes d’en apercevoir la portée véritable. Descartes s’efforce de réagir contre la tradition scolastique et de revenir à la conception ancienne, seule vivante et féconde (p. 32). De plus, pour Descartes, la mathématique pure est seulement la préface de la mathématique appliquée ou pratique, c’est-à-dire de la physique mathématique. La physique mathématique retrouve sous les qualités sensibles la grandeur et la figure, c’est-à-dire les propriétés géométriques (p. 36-38). L’auteur résume très brièvement la métaphysique de Descartes (p. 48-64). Car, d’après lui, la théorie de la connaissance qui résulte de cette métaphysique est plus importante que les propositions destinées seulement à préparer cette théorie et à la prémunir contre les objections possibles. M. Jungmann consacre de longs développements à la théorie de la réalité objective et de la réalité formelle correspondante pour les diverses sortes d’idées (idées des choses matérielles, idées des objets immatériels). Il examine à ce propos la conception cartésienne de la substance. Enfin, il se demande quelle est l’attitude de Descartes en face du problème de la réalité du monde extérieur ; or, pour Descartes, toutes les idées sont innées, mais elles ne sont pas toutes actuellement perçues ; il faut, pour expliquer la perception actuelle de l’idée, faire intervenir soit l’action réelle de choses extérieures supposées existantes, soit l’activité spontanée et volontaire de l’âme. En sorte que la doctrine, idéaliste dans son principe, se confond en partie avec un réalisme empirique. C’est, dit M. Jungmann, un idéalisme empirique (p. 120). De ce point de vue s’explique tout le détail de la théorie de la méthode, comme le montre l’auteur en reprenant l’examen des procédés de recherche de la vérité.

Le chapitre sur les sciences résume les principes de la physique et de la psychologie cartésiennes.