criminologie. Il est absurde de considérer l’homme comme un être perpétuellement occupé à raisonner ; l’homme est un animal mû par une foule d’impulsions instinctives, dont lui-même ignore les origines et connaît mal la nature. Le démagogue, le politicien, meilleurs psychologues que le théoricien de cabinet, possèdent précisément l’art non de faire appel à la raison des électeurs, mais d’agir sur leurs émotions. Il est absurde de raisonner sur « la démocratie idéale », à la manière de M. Ostrogowski et de M. Bryce : quel biologiste oserait assigner pour objet de ses recherches l’ « homme idéal » ? L’objet du sociologue qui étudie la démocratie, ce sont les démocraties réelles, qu’il faut classer, décrire, analyser, telles qu’elles existent, et non telles qu’on désire qu’elles soient. En politique comme en économique, il faut que la méthode quantitative prenne la place de la méthode qualitative. L’économiste d’aujourd’hui dessine des courbes sur le tableau noir, là où l’économiste de l’école de Ricardo écrivait des chiffres arbitrairement choisis, exprimant des quantités fixes. Il faut que la même méthode de continuité s’introduise dans le langage politique. » Si un Socialiste et un Individualiste étaient tenus de se poser la question : « quelle dose de Socialisme ? » ou « quelle dose d’Individualisme ? », on aurait une base réelle de discussion, même dans le cas impossible où l’un répondrait « Rien que l’Individualisme, et pas de Socialisme », et l’autre, « Rien que le Socialisme et pas d’Individualisme » (p. 148). Déjà les commissions extra-parlementaires, les comités techniques, s’essaient à parler le langage de la vraie science politique : pourquoi faut-il que l’orateur de place publique ou d’assemblée parlementaire, continue à parler le langage grossièrement simpliste, « quantitatif », de vieilles philosophies politiques ? Les progrès de la science ne brisent pas l’élan moral : quel peuple plus épris de science positive et en même temps plus passionnément patriote, que le peuple japonais ? Ils provoquent même la naissance d’enthousiasmes nouveaux : l’enthousiasme de la science elle-même, l’amour du genre humain. Car le Darwinisme, exploité par les théoriciens du nationalisme et de l’impérialisme, a précisément pulvérisé ces blocs soi-disant homogènes, que l’on appelle « races » ou « espèces » ; il n’a laissé subsister nulle part qu’une foule pratiquement infinie d’individus, qui sans cesse varient et progressent. Ainsi les jugements d’existence se transforment insensiblement, dans le livre de M. Graham Wallas, en jugements de valeur. Son positivisme politique s’achève par un appel aux émotions : ce sont ces mêmes émotions, socialisantes et humanitaires, qui remplissent le livre de M. Wells, et aussi le livre de M. Dickinson.
The development of Greek Philosophy, par Robert Adamson, édité par W. R. Sorley et R. P. Hardie ; 1 vol. in-8 de xi-326 p., London et Edinburgh, W. Blackwood and sons, 1908. — Cet ouvrage a été composé dans des conditions assez particulières. M. Adamson avait professé l’histoire de la philosophie grecque, avec un grand succès, à l’université de Glasgow. À sa mort, sa sœur, Mrs C. J. Hamilton et deux de ses élèves, MM. Sorley et Hardie ont pris le soin pieux de publier les manuscrits de M. Adamson, dont une partie seulement était prête pour l’impression. Ils ont ajouté les références, complété la bibliographie, rédigé l’index. L’ouvrage est resté incomplet ; il se termine après l’école stoïcienne. Il est aussi assez inégal. Tel quel, il fait regretter que l’auteur n’ait pas eu le temps de l’achever. Et c’est même le seul manuel réellement maniable que nous possédions sur l’ensemble de la philosophie grecque. M. Adamson avait pris comme base de son enseignement le recueil de Ritter et Preller. Pour la philosophie antésocratique, il suit de près l’excellent ouvrage de Burnet. La partie principale du livre est consacrée à Platon et Aristote. En ce qui touche Platon, l’auteur essaie de donner une idée chronologique des théories platoniciennes. Il distingue quatre périodes dans ce développement. Après avoir examiné les premières formes de la théorie des idées, M. Adamson examine successivement les dialogues logiques, puis la doctrine de l’âme dans le Phédon et dans le Phèdre, enfin dans le Timée. L’exposé, forcément un peu bref, contient beaucoup d’idées justes. M. Adamson remarque avec raison que Platon a distingué plusieurs sortes d’Idées et aussi que le problème de la participation n’était pas susceptible de recevoir une solution simple et unique. Dans les chapitres consacrés à Aristote, seule la psychologie d’Aristote est étudiée complètement. Nous n’avons que des indications sommaires sur le stoïcisme, dans les quatre derniers chapitres.
En somme, ce manuel, qui n’est pas un ouvrage d’érudition, peut rendre des services aux étudiants.