Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 1, 1910.djvu/27

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.– m – "gui soient le: résultat d’une expérience directe. Que penseriez-vous du subjectivisme radical qui exclurait tout effort vers l’objectivité? Vous avez parlé tout à Waeure da la philosophie en termes presque émouvants; vous avez montré le prix que vous attachiez aux idées eh bien! vous ne vous êtes pas complètement livré à elles. Les systèmes sont beaucoup plus vivants que vous na les avez faits. Vous avez fait l’histoire de la philosophie du point de vue de l’opposition de la nature et de la raison mais ne la ferait-on pas plus justement du point de vue de l’effort par lequel on a essayé d’établir une soudure? M. Pradines. Sans doute, mais cet effort est resté infructueux. J’ai traité les systèmes avec le même mépris du particulier que le savant il abstrait de parti pris, et on ne lui reproche pas de sacrifier aux lois de la vie. M. Delbos. Ce n’est pas de leur vie que vous,privez les systèmes, c’est de leur signification. Vous voulez juger de toute l’évolution par cette espèce d’élêatisnie l’immuable et le changeant. Au moins Hegel avait-il choisi le principe qui lui avait paru le plus compréhensif. Mais vous êtes, très sévère pour ces philosophes du passé; vous ne tenez pas compte à Mill et, à :Spencer de leurs efforts pour rapprocher les termes extrêmes; et vdus êtes singulièrement indulgent pour votre propre tentative de conciliation. Moi, je m’attendais à un pragmatisme allant jusqu’au bout par delà Zarathoustra Au fond, vous, apportez une solution très moyenne. M. Pradines. J’ai fait un effort pour rendre confiance au rationalisme naïf et vulgaire, j’ai essayé quelque chose de ce qu’avait essayé Kant concilier l’empirisme et le rationalisme. Nous vivons à une époque très, analogue. M. Delbos. Supposez que, dans l’avenir, on vous applique votre propre prôcédê de critique on dira qu’il y a chez vous du platonisme, de l’éléatisme. M. Pradines. Même si ce que j’ai dit est faux, ma méthode peut subsister. Au fond, il semble que nous soyons d’accord. M. Delbos. Nous ne sommes pas d’accord du tout. Je crois que, pour poser les questions comme elles se posent aujourd’hui, il ne suffit pas de regarder dans le passé. L’histoire de la philosophie peut être utilisée, mais il faut l’entendre d’une façon plus compréhensive. Ce sur quoi nous sommes d’accard, c’est sur la qualité philosophique de votre esprit, et, à cet éloge, je ne m.et&.aucune restriction.. II. Principes de toute philosophie de l’action. M. Pradines. – Ce livre n’est pas seulement le fruit de ma pensée je l’ai vécu autant que pensé. Je partis de l’empirisme radical que j’abandonnai pour le rationalisme quand je me fus lassé de prendre le désordre pour la liberté et la passion pour Faction.. Le rationalisme me parut antinaturel et incomplet, négligeant le problème de l’action. Je crus en trouver la solution dans la sociologie mais il me sembla que, si le milieu social était la source de l’action j’étais condamné à osciller entre l’empirisme (obéissance a la tradition sociale) et le Eationalisme_ (obéissance aux règles qu’impose la société actuelle). Ce retour aux doctrines que j’avais dépassées .me jeta dans le scepticisme. Je réfléchis alors aux rapports de l’action, et de la règle que lui superposent les moralistes; et de même que Kant avait substitué- au problème de la vérité celui delà connaissance, logiquement antérieur, comparant à l’opposition kantienne de l’expérience et de la raison celle de l’action et de la règle, je me demandai si le problème de V action n’était pas indépendant de celui de Vaclion bonne. « Comment l’action est-elle possible, c’est-à-dire intelligible? » tel me parut être le problème fondamental de toute philosophie de l’action pour avoir méconnu cette antinomie des conditions de la nature et de celle de l’action les moralistes ont échoué Sans l’établissement d’une science de la pratique. N’avais-je pas le droit d’espérer que cette dissociation par laquelle je posais un problème nouveau, m’en faciliterait la solution? Je crus la trouver dans ce princîpe Pour que l’action soit possible, e’est-à-dire intelligible, il faut que l’intelligence soit le produit de l’action ». En effet, admettons que l’intelligence soit l’image,, le reflet des choses, elle devient stable or, du point de vue de la stabilité, l’action, le changement est absurde donc l’intelligence est l’œuvre de faction. Mais si la connaissance est action, la règle de l’action consiste à créer des formes de détermination. Or définir ainsi la règle conduit à détruire l’action,, et c’est l’erreur commune à tous les moralistes. On ne peut non plus exclure l’action du domaine rationnel, car, ainsi que je.le montre, ses conditions sont liées à celles de la possibilité’ de la connaissance. Le pragmatisme courant, qui humilie la raison au profit de l’action, qui la contient – et ainsi la dépasse –doit être corrigé dans le. sens d’une sorte,