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est un prolongement, et la philosophie récente de M. Bergson un déguisement : cet auteur se borne à reproduire sous des appellations nouvelles, et en y mêlant l’idée allemande de l’évolution, le dualisme cartésien de la chose étendue et de la chose pensante. Dans l’ordre moral la pensée française, ayant à pourvoir aux besoins d’une âme prompte et impulsive mais peu capable d’aspirations vraiment élevées, n’a guère dépassé l’égoïsme intelligent dont Helvetius a été au XVIIIe siècle le représentant le plus populaire. Fouillée et Guyau, les deux philosophes français les plus considérables du temps présent, se sont vainement efforcés d’élargir l’amour de soi jusqu’à y faire entrer l’amour d’autrui et une sorte d’idéalisme ; leur doctrine reste purement sinon étroitement individualiste et s’accorde bien en cela aux tendances de la nation française. Il faut remarquer seulement que, s’attachant à l’honneur et à la gloire plus qu’aux biens matériels, l’individualisme français, par moment au moins, a des effets utiles à la communauté.

La philosophie anglaise est exposée dans le quatrième chapitre ; elle est utilitaire par essence et son importance même vient de son étroitesse. La hauteur spirituelle n’existe chez les Anglais que sous forme religieuse ; leur pensée philosophique est exclusivement orientée vers la réalité sensible et la vie pratique. D’où cette conséquence qu’elle est incapable de rien produire qu’une théorie de la connaissance empirique et une doctrine à la fois morale et économique du bien-être commun.

À la philosophie anglaise comme à la française s’oppose l’idéalisme allemand dont le chapitre V nous fait connaître le développement de Leibniz au temps présent. Leibniz, pris à tort, parce qu’il écrivait en français, pour un penseur international, est, dans le passé, le philosophe allemand par excellence : il donne au mysticisme allemand une forme logique ; dans ses ouvrages la raison s’applique à satisfaire les plus hautes aspirations de l’âme en construisant un monde harmonieux où tous les êtres sont eux-mêmes semblables à des âmes ; c’est pourquoi la doctrine de Leibniz est restée impénétrable aux Français du XVIIIe siècle.

Un dernier chapitre caractérise l’esprit des nations dans la guerre et dans la paix. On voit assez ce qu’il peut être. Le Français pense avant tout à son prestige et fait la guerre pour le maintenir ou le rétablir ; l’Anglais se bat pour conquérir et conserver les richesses matérielles dont il est avide. L’Allemand ferme et fidèle accepte la guerre comme une dure nécessité, parce qu’il a le sentiment profond de son devoir envers lui-même et envers l’humanité dont il porte en lui la destinée.

Il convient de faire observer, en terminant cette analyse, que la conclusion de M. Wundt ne lui est nullement particulière. Les mêmes idées se retrouvent dans les publications de plusieurs philosophes allemands. Peut-être aurons-nous l’occasion d’y revenir.

PÉRIODIQUES

Scientia, année 1919.

Pendant la guerre Scientia a modifié quelque peu le cadre de ses publications. Un certain nombre d’études concernant les problèmes moraux, sociaux et économiques soulevés par la grande crise ont été adjointes dans chaque fascicule aux articles de synthèse scientifique proprement dite, Scientia a maintenu après la guerre le programme élargi que nous tenons d’indiquer.

Fascicule I. O. Lodge : Éther et matière. « Les corpuscules éthérés – les particules d’éther modifié que l’on nomme charges électriques – commencent à être reconnus pour de petites entités substantielles au moyen desquelles doit être interprétée la constitution même de la matière grossière et pondérable. Ces corpuscules sont les entités dont se composent les atomes… Nous connaissons la matière et l’électricité ; et si nos conceptions finissent par atteindre une unité plus compréhensive, ce sera l’unité électrique et non l’unité matérielle qui survivra finalement… Mais outre ces particules spéciales d’éther modifié, il y a la grande masse d’éther non différencié, l’entité qui remplit tout l’espace. Toute énergie cinétique appartient à ce qu’on appelle la matière. Toute énergie statique appartient à l’éther dont les caractéristiques sont l’effort et la tension. L’énergie passe continuellement de, l’éther à la matière et vice versa et c’est dans ce passage que tout travail s’accomplit. » Il serait très instructif de confronter les idées de Sir O. Lodge avec les principes de la théorie de la relativité que les faits confirment chaque jour davantage. Une telle étude dépasserait le cadre de ces notes bibliographiques. Signalons dans le même fascicule un article de G. Lévi sur la vie des éléments isolés de l’organisme.

Dans le fascicule II, M. F. Virgilii publie une intéressante étude économique sur l’émigration allemande avant la guerre et