Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 2, 1907.djvu/5

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ne donnent de bonnes qualités à la divinité (p. 383 sq.) ; elles n’établissent pas la justice distributive des peines et des récompenses (doctrine chrétienne de la grâce) (p. 384) ; elles ne sont pas desservies « par un petit nombre de gens d’élite que leur sagesse rende vénérables » (p. 385) ; elles sont sujettes aux schismes, provocatrices de désordre, causes responsables de l’intolérance (p. 385 sq.) ; Bayle croit que la nature humaine primitive était meilleure que l’humanité civilisée (p. 389) ; mais il ne fait pas de cet état primitif de l’humanité l’abus qu’un Rousseau en fera après lui : il s’en tient aux faits qu’il pense constater. Le passage de la liberté primitive à l’organisation sociale se fait par le simple jeu des passions humaines : l’homme fuit l’anarchie dans l’intérêt de sa conservation. La civilisation, d’ailleurs, si elle engendre les vices, développe aussi les passions qui leur font contrepoids (p. 392 sq.). À ces considérations sur le développement naturel de l’humanité, Bayle superpose une véritable morale indépendante. Le vice et la vertu sont des « espèces différentes » de l’activité naturelle de l’homme ; Bayle trouve les lois de leur production dans la nature même de l’esprit humain. C’est un fait qu’il existe des lois de notre volonté, les règles sont fournies par la raison, et c’est pourquoi la plus générale d’entre elles est que nous devons nous soumettre à notre raison. Mais ces lois ne varient-elles pas avec les sociétés ? Bayle croit que cette variabilité n’est pas absolue, et qu’il y a « des règles générales des mœurs, maintenues dans toutes les sociétés civilisées » (p. 401). C’est en cela que son rationalisme est, dans toute la force du terme, un rationalisme positif.

M. Delvolvé conclut en mettant la morale baylienne en rapport avec la morale cartésienne, dont elle est issue, et la morale kantienne, qu’elle annonce ; il fait ressortir ses affinités avec le criticisme et le positivisme moral contemporains : il faut le louer d’avoir su « rendre à l’œuvre de Bayle, si parente des formes actuelles de la pensée philosophique, la place qui lui appartient dans l’histoire de la philosophie française » (p. 431).

L’Hypnotisme et le Spiritisme, par le Dr  Joseph Lapponi (deuxième édition), 1 vol. in-16 de IV-290 p., Paris, Perrin, 1907. — Le but que se proposait le docteur Lapponi dans cet ouvrage était de mettre à la disposition de tout homme cultivé ce qu’on a besoin de savoir sur les faits aujourd’hui indiscutables de l’hypnotisme et du spiritisme. Quant aux théories auxquelles ces faits ont donné naissance, l’auteur n’y touche que dans la mesure où cela est nécessaire pour la clarté de l’exposé.

Dans le chapitre I nous trouvons rapportés les principaux témoignages relatifs à la réalité des faits hypnotiques ou spirites constatés depuis l’antiquité jusqu’à nos jours ; le démon de Socrate est rangé sans hésitation au nombre de ces derniers. Les chapitres II et III sont consacrés à la description des faits hypnotiques et spirites. La description des faits hypnotiques est très simple et bien présentée. Quant aux faits spirites rapportés sur l’autorité de savants comme Crookes, Wallace, etc., le docteur Lapponi ne les soumet pas un instant à une critique précise ; il les admet sans contrôle personnel, comme il admet, dit-il, l’existence du détroit de Magellan. Tous les phénomènes de médiumnité, lévitation, télépathie doivent être admis au même titre que les autres faits scientifiques. Quant à l’explication qu’on peut en donner, elle diffère selon qu’il s’agit d’hypnotisme ou de spiritisme, car les deux ordres de phénomènes sont radicalement différents. Tout l’effort de l’auteur va à démontrer que les faits hypnotiques ne sont pas surnaturels — ce dont on se doutait un peu depuis Charcot. Et d’autre part une démonstration en sens inverse cherche à établir qu’il est absurde d’expliquer les faits spirites par des lois naturelles. Le spiritisme nous met directement en relation avec le surnaturel. Enfin au point de vue social on peut admettre l’hypnotisme comme un instrument ou un procédé de thérapeutique, jamais pour lui-même. Le spiritisme au contraire présente beaucoup d’inconvénients et pas un seul avantage ; il a été introduit en Italie, pays calme et équilibré, par des importations de pays névropathiques et déséquilibrés comme l’Amérique, l’Angleterre et la France. Le spiritisme doit donc être proscrit. Seuls quelques savants pourront être autorisés à l’étudier à condition qu’ils ne prennent aucune part à la production des phénomènes.

Tel est en résumé le contenu de ce livre clair et simplement exposé. Il n’apporte sur la question aucun fait nouveau, ni aucune analyse nouvelle ; et quant aux conclusions dogmatiques de l’ouvrage on jugera sans doute inutile de s’être appliqué à démontrer que l’hypnotisme est un phénomène naturel ; et l’on ne trouvera sans doute pas d’autre part que l’étonnement en présence des phénomènes spirites soit un motif suffisant pour leur conférer un caractère surnaturel.