sentation des choses. Constamment, lorsqu’on a cherché à préciser une variation, on a eu recours à un mouvement, peut-être parce que nous pouvons y appliquer les mathématiques. L’énergétisme permet une description très exacte des faits, mais purement formelle. Or je crois qu’il est avantageux de retenir un élément de représentation dans la construction de notre connaissance des choses.
M. Rauh. Je crois entrevoir un empirisme intellectuel à travers votre thèse, dont l’exposé sera très intéressant. Ce qui fait la difficulté de suivre votre travail, c’est qu’il y a là un ennemi invisible que vous n’attaquez pas directement, le néopositivisme. Dans votre petite thèse, vous montrez la supériorité du mécanisme ; dans la grande, la continuité de l’énergétisme et du mécanisme. Aussi, d’une thèse à l’autre, l’exposé des théories diffère. Dans la petite thèse, le mécanisme seul répond aux exigences de la connaissance scientifique. Dans votre grande thèse, le mécanisme et l’énergétisme s’unissent dans l’objectivité de la science. N’y a-t-il pas là une certaine contradiction ?
M. Rey. Les points de vue de deux thèses sont complètement différents. Dans la première thèse, je n’avais pas à me préoccuper de l’expérimentalisme de la physique, mais seulement de la théorie physique, des théories systématisatrices. Dans la seconde thèse, au contraire, j’ai à parler et des résultats expérimentaux reconnus également par tous les physiciens, et des théories par lesquelles ils divergent.
M. Lalande. Dans votre thèse, il y a
beaucoup de matériaux mis en œuvre et
beaucoup d’idées. Mais pourquoi n’y avezvous
pas joint une bibliographie ? Par là
vous auriez augmenté les services que
rendra votre livre. Je trouve dans votre
ouvrage un très bon esprit, – je veux
dire l’esprit des physiciens. Vous avez
aussi une autre formede l’esprit physique,
qui a du bon et du mauvais l’esprit
d’à peu près. Depuis une vingtaine d’années,
règne un. esprit d’irrationalisme
contre lequel vous avez protesté. Votre
empirisme est somme, toute un rationalisme
très sain. Vous avez justement noté
l’abus du mathématicistne en physique
qui finit par vider la physique de son
contenu réel. Heureusement vous restez
parfois métaphysicien, et parfois vous
rappelez la doctrine de Taine : Je relève
dans votre livre l’idée, juste à mon sens,
d’une philosophie qui se fera collectivement.
Vous admettez que les savants sont
plus d’accord qu’ils n’en ont l’air vous
avez raison, et je ne vous reprocherais
que de n’avoir pas été assez loin.
Je voudrais vous poser quelques questions
relatives à des points d’histoire de
la physique et à l’interprétation de certains
physiciens. Les premières hypothèses
sur la structure de la molécule ont
été faites par Rankine. C’est le 4’février 1850
que paraît le Mémoire dans lequel il
résume l’hypothèse des tourbillons moléculaires.
Il pose alors la théorie mécanique
dans toute sa précision. Un peu
plus tard (mars 1851),. Thomson fait de
l’énergétique, en se fondant sur. les principes
de Joule et de Çarnot-CIausîus. En
janvier 18S3, "Rankine affirme le désir de
la réduction des phénomènes physiques
aux forces mécaniques/ N’avez-vous pas
exagéré l’influence de Rankine sur l’énergélisme ?
M. Rey, Rankine a fait une trentaine de
mémoires mécanistes. Mais danslejmémoire
que j’ai analysé, il pose pour la
première fois la théorie abslractive et
purement descriptive, en opposition aux
théories hypothétiques, : qui sont les théories
mécanistes.
M. Lalande, 11 y a une correction à faire
pour la date du mémoire que vous citez.
Ce mémoire que vous donnez comme
de 1846 est seulement de "miti 1SS5. 11
reprend un mémoire de 18S3, ; D’ailleurs
j’ai beau comparer le texte de ce mémoire
à votre chapitre ;. je reste convaincu
que vous exagérez. Rankine n’expulse en
aucune façon la méthode mécanique ; il
juxtapose seulement les deux méthodes.
M. Rey. Il me semble qu’il— donne nettement
la préférence à la manière, de Largrange,
qui est la méthode abstractive.
M. Lalande. Boltzmann (Moni&t, 1901)
admet également les deux méthodes ; il
préfère la méthode atomistiquë, mais
n’exclut pas l’autre.
M. Aey. Je ne le nie pas. Il admet la
phénoménologie de Mach ; mais iLconsiTdère
que ce serait un crime de lëse-majestè
de rejeter l’atomisme.
M. Lalande. Vous.avez fait rouler votre
thèse sur l’opposition du mécanisme et
de l’ênergétisme. Vous avez, je ̃ crois, ,
exagéré cette opposition. Ne pensez-vous
pas que certains mécanistespeuyeiit être
plus voisins de certains énergétistes que
d’autres mécanistes ? La mécanique de
Hirn n’est-eUe pas conçue » dans le même
esprit spiritualiste que le formalisme de
Duhem ? La critique de Hertz n’est-elle pas
voisine de celle de Mach ou d’Ostwald ? D’autre
part, on pourrait facilement ac-7centuer^les
différences et trouver des
oppositions entre les membres d’un même
groupe, soit énergétistes, soit mécanistes,
M. Rey. J’ai fait justement le..travail
inverse de celui que vous me.demandez..