l’origine un « le fortuit ». et vous le transportez le long de toute l’histoire du monde. Votre comparaison est incomplète : le monde n’est pas une série ; il est une infinité de séries. Le fortuit est à chaque instant et il est multiforme. Je n’ai point besoin non plus d’une régression « à l’infini dans les deux sens ». — Votre est si peu permanent que les éléments historiques naissent et meurent d’une manière aisément explicable. Une bille en mouvement s’arrête : son repos actuel cache de l’historique évanoui ; ou encore deux historiques peuvent s’annuler ; ou bien : un élément historique d’abord instable se consolide et devient ainsi une origine d’explication scientifique. La France a été un fait fortuit : elle est aujourd’hui une cause. On pourrait imaginer d’autres moyens d’échapper à la permanence de votre , élément indéterminé et contingent, poids mort d’une évolution explicable par elle-même. Du point de vue de Cournot, il naît, à chaque instant, des événements fortuits.
M. Darbon. — Je reconnais que Cournot témoigne d’une « mauvaise volonté à se placer à l’origine des choses ». Mais la théorie des rencontres, celle de « l’indépendance des causes » me paraissent, si, du moins, l’on veut comprendre, très contestables.
M. Milhaud. – À propos de l’exemple de la série π, vous niez que le hasard trouble jamais l’ordre logique. Il suffit pourtant d’examiner telle démonstration d’un grand mathématicien pour remarquer ici des approximations à un millième près, là l’intervention de ce que Cournot eût appelé des séries indépendantes. — Je vous accorde d’ailleurs que Cournot a donné, du problème précis qu’il se proposait, une solution arbitraire : le mariage des deux arithmétiques qu’il a imaginé ne signifie rien. En effet cet élément de variation que, dans le jeu de dés, je vois à l’œuvre (sous la forme de la « force impulsive » ), je ne peux, dans une série de chiffres, en voir l’équivalent dans le choix, même arbitraire, de la notation décimale. Car ce choix implique unité de procédés, et non pas variation et changement.
M. Lévy-Brûhl craint que la méthode critique adoptée par M. Darbon ne l’amène à déformer la pensée de Cournot. La méthode historique est souvent préférable. Nous vous trouvez en présence de deux affirmations celle de l’indépendance objective des séries, celte du déterminisme également objectif. Vous faites choix de la méthode critique vous « analysez le concept —d’indépendance ;
vous déclarez ne pas comprendre dogmatiquement la « nécessité sans solidarité » dont parle Cournot. Pourquoi n’avez-vous pas appliqué la méthode historiquet 11. Darbon. Parce qu’aucun texte de Cournot ne permet la conciliation de son. déterminisme et de sa philosophie de la contingence. M. Lêvy-Briihl. Cela m’étonne. – Je relève ailleurs un autre manquement à la méthode historique (p. 37). Vous refusez aux mondes possibles de Leibniz autre chose qu’une possibilité abstraite et logique. M. Darbon, – J’ai adopté l’interprétation traditionnelle le principe d’identité vaut pour les mondes possibles ; celui de finalité pour le monde réel. M. Lévy-Bruhl. – Pour comprendre l’existence idéale des mondes possibles, le principe de non-contradiction est insuffisant. Enfin, « objectif signifie-t-il, chez Cournot, métaphysique ? J’incline a penser que ce terme, loin de signifier « métaphysiquement vrai », équivaut tout simplement à « vérifiable à l’aide de la loi des grands nombres ». Cournot n’est pas un idéaliste absolu l’ordre dont il parle comme d’un résultat de la science n’est pas donné a priori il est défini par le développement scientifique. ’M. Darbon.’– C’est-à-dire que le progrès de la science réduit le monde du hasard. M. Lévy-BrUhl. Non. La distinction de l’historique et du scientifique est essentielle. Il y a un domaine historique. En outre, j’ai voulu dir.e que, si vous ne critiquez pas la notion d’ordre dans Cournot, vous vous exposez à le j.nger d’après votre esprit systématique, à le taxer d’inconséquence, alors qu’il n’est que dispersé. M. Bouç/lé, après avoir remarqué que la brièveté élégante de la thèse de M. Darbon confine à la sécheresse et le dispense de soulever d’importantes questions, s’associe à la première critique de M. LévyBriihl. Pourquoi les réflexions de Cournot sur le hasard ne s’expliqueraient.-elles pas moins par ses travaux mathématiques que par son goût pour l’histoire ? pourquoi l’idée de jeter entre science et histoire le pont de Iléliologie historique ne l’aurait-elle pas amené à la notion de hasard ? M. Darbon. – Parce que ce problème l’a passionné pendant toute son existence, qu’il en est question dans tous ses livres, tandis que les relations du hasard et de l’histoire ne sont qu’effleurées dans quelques passages de ses œuvres. M. Bougie.’̃– Je crois que l’introduction du hasard dans la connaissance