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Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1914.djvu/27

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L’expérience qu’un Pascal ou un Biran ont faite sur eux-mêmes — in anima nobili — a une portée général : elle dépasse les limites d’une monographie.

Parent et voisin de M. de Biran, j’ai rassemblé, cinq ou six ans durant, tout ce qui restait de lui. Je décidai de faire revivre l’homme. La publication intégrale du Journal intime eût été prématurée. Je m’en suis servi ainsi que du Mémoire, sur la décomposition de la Pensée, pour mettre en lumière la façon dont M. de Biran envisageait la croyance.

Il existe dans la bibliothèque du château de Grateloup (Dordogne) un exemplaire de l’édition de Pascal par Raynouard, où sont reproduites les Remarques de Voltaire sur Pascal. L’exemplaire porte des notes de M. de Biran.

J’ai montré l’opposition qui existe entre Pascal et Voltaire. J’ai reproduit le jugement sévère que porte M. de Biran sur l’ennemi de Pascal. Je me suis attaché à étudier l’influence de Pascal sur M. de Biran, en groupant les opinions des deux philosophes sous trois chefs : l’ordre humain, l’ordre social, l’ordre religieux.

Maine de Biran, dans ses recherches pour sortir du doute, a subi à n’en pas douter l’influence de Pascal. Le Journal intime nous l’atteste. Il en vient à donner raison à Pascal contre les stoïciens et lui aussi rend les armes au « vainqueur de tant d’esprit ».

Pascal et Biran nous apparaissent comme deux belles intelligences, deux grands cœurs, deux névropathes, deux hommes intérieurs, deux philosophes de la volonté, deux croyants, deux mystiques.

Mais l’un, Pascal, est un croyant orthodoxe ; l’autre, Biran, est avant tout un philosophe du moi. Pascal n’est ni un sectaire, ni un fanatique, mais un apôtre. Biran se rapprocherait plutôt du protestantisme, si l’on néglige le fait qu’il est mort dans l’Eglise.

A tout prendre, le Journal intime est une Apologie comme les Pensées.

Nous avons dû, chemin faisant, effleurer une foule de questions délicates, et nous n’avons pu éviter de prendre part dans le débat.

M. Lévy-Brühl, président du jury, après avoir remercié M. de Lavalette-Monbrun pour l’exactitude de son compte rendu, donne la parole à M. Delacroix.

M. Delacroix. — Je dois d’abord vous faire une déclaration qui ne m’est pas agréable. Quand vous m’avez présenté votre thèse, je n’attendais plus de vous que quelques remaniements sans importance. Or je trouve maintenant dans votre ouvrage bon nombre de choses qui ne figuraient pas dans le manuscrit primitif. Il manque à votre thèse l’allure sereine, habituelle à la plupart de nos travaux. Vous adoptez le ton de la polémique (p. 183, note p. 492, 217, 228, 253, 273 et suiv.). Je tiendrai tous ces passages pour inexistants.

Vous reprochez à ceux qui ont étudié M. de Biran l’insuffisance de leur bibliographie. Mais vous-même, vous ne nous donnez pas le dépouillement des archives de Monbrun.

M. de Lavalette-Monbrun. — Dans ma grosse thèse p. 533, j’ai dit sur quoi ces papiers portaient. Maintenant, on ne peut pas tout publier de M. de Biran.

M. Delacroix. Vous reprochez à M. Mayjonade (p. 65) de publier incommodément les remarques de Biran sur Pascal. Mais votre publication de textes n’est pas bien faite (p. 74, 79).

M. de Lavalette-Monbrun. — Certains textes sont illisibles, j’ai dû refaire les phrases.

M. Delacroix. — Mieux aurait garder l’allure originale du texte.

M. de Lavalette-Monbrun. — Au point de vue critique. Mais le commentaire porte le texte et le fait valoir.

M. Delacroix. — C’est un danger. Il me semble en somme que vous n’avez pas apporté à l’établissement philologique de votre texte le souci nécessaire. Il faut briser le chapitre pour en extraire les textes.

Vous distinguez différentes influences à différents moments de la vie de Biran, dans sa marche vers le théisme. Il en arrive à voir dans l’homme une double nature, avant de parvenir, comme vous le dites, à un mysticisme. De la page 100 à la page 106, avez-vous d’autres textes ?

M. de Lavalette-Monbrun. — Oui, du journal de 1794.

M. Delacroix. — Biran lit alors Pascal, sans s’inspirer de lui. Avez-vous des pas- sages précis pour appuyer les pages 100-104 de votre travail ?

M. de Lavalette-Monbrun — J’ai d’ailleurs noté l’influence de Rousseau et j’ai nuancé ma pensée, Là où Biran réagit contre Pascal. il subit encore son in- fluence.

M. Delacroix. — L’influence de Pascal sur la dernière philosophie de Maine de Biran est-elle si précise ? Maine de Biran n’est pas resté trente années à penser sur la coopération de l’animal, du spirituel et du divin.

M. de Lavalette-Monbrun. — M. de Biran a fort bien connu Pascal.

M. Delacroix. — Vous faites la plupart du temps un parallèle, sans établir suf-