Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1914.djvu/28

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fisamment l’influence. Je verrais beaucoup mieux l’influence de Fénelon sur Biran.

M. de Lavalette-Monbrun’. — J’ai peut-être donné trop d’importance à Pascal.

M. Delacroix. — Il y aurait là une.étude fort intéressante à faire.

M. de Lavalette-Monbrun. — Il y a même quelques textes attribués a Biran qui qui sont de Fénelon.

M. Delacroix. — Sur le christianisme de Biran, vous êtes un peu moins prudent dans votre écrit que dans votre exposé. Avez-vous d’autres faits à invoquer que sa mort dans la catholicisme ? Ce fait-là n’est pas probant à nos yeux.

M. de Lavalette-Monbrun. — Comme je l’ai dit, dans ma thèse principale p. 523, M. de Biran fut nommé Chevalier de Saint-Louis. Mais il n’a jamais pris nettement position entre les deux religions. Pour moi, il est immanentiste.

M. Delacroix. — Votre chapitre sur le mysticisme de Biran est bien vague. Vous êtes parti de Segond au lieu de partir de M. de Biran, et vous avez étendu votre philosophe sur le lit de Procuste de catégories toutes prêtes.

M. de Lavalette-Monbrun. — C’était toujours dans le dessein de le.confronter avec Pascal.

M. Lévy-Brühl. — Je vous ai lu avec intérêt. Votre ton m’a surpris dans une thèse. Généralement dans une thèse on s’efforce de démontrer avec des preuves. Vous avez cherché à dire ce que vous pensiez sur un très grand nombre de sujets. Spontané, sincère, droit, vous n’êtes pas toujours précis. P. 188, vous citez des critiques qui ont parlé de Pascal et qui sont morts. Vous mettez parmi eux M. Droz, qui n’est pas plus mort que vous et moi. P. 219, vous donnez la célèbre formule du Phédon, sous la forme ευ κίνδυνος. P. 218, vous nous parlez de Descartes de manière à faire de la peine à un philosophe. Il n’est pas’ prouvé que Pascal et M. de Biran reproduisent complaisamment la pensée de Descartes. Les deux croyances n’ont à peu près pas de rapport.

Vous usez fréquemment d’épithètes, elles ne sont pas toujours très réfléchies. P. 83, note 2, vous donnez deux textes de Pascal, dont l’un est altéré et l’autre véritable, et vous appelez les différences des « variantes ». Vous avez qualifié Biran de Sainte-Beuve, philosophique.

Vous n’avez pas pris un soin suffisant pour dater les fragments dont vous vous servez (p. 138).

Enfin p. 61, vous mettez en contraste Pascal et Voltaire que vous nous représentez « riant sans cesse et riant de toutn prenant sa vie comme une partie de plaisir ». Vous oubliez que Voltaire a pris certaines affaires fort au sérieux. Il n’y a pas que des plaisanteries dans Voltaire.

M. de Lavalette-Monbrun. — Certes, on pourrait tirer de Voltaire tout un livre de prières.

M. Lévy-Brühl. — P. 275, vous lui réservez l’épithète de simiesque.

M. de Lavalette-Monbrun. – Je pensais à l’expression de Maine de Biran.

M. Lévy-Brühl. — P. 189, vous écrivez « Il faut être naïf ou superficiel comme Victor Cousin pour… » Superficiel est bien sévère, naïf vraiment impossible à admettre. En ce qui regarde l’ensemble de l’ouvrage, l’idée d’un parallèle entre M. de Biran et Pascal me semble malheureuse, vous écrasez votre auteur par un pareil voisinage.

M. de Lavalette-Monbrun. — J’ai dit que M. de Biran a mieux connu l’homme que Pascal.

M. Lévy-Brühl. — Maine de Biran pourrait dire : « Seigneur, gardez-moi de mes amis… » P. 145, vous citez un passage de votre auteur qui n’a rien que d’ordinaire et vous dites : voilà des accents dignes de Pascal.

M. Brunschvicg. — Vous avez, c’est le mérite, de votre thèse, jeté, beaucoup d’épithètes et de jugements. Mais vous avez, manqué de modestie ou de simplicité : il fallait avant tout nous donner les textes en dehors de tout commentaire, et le commentaire après cela. Vous avez des expressions qui surprennent, M. Bergson est pour vous un Pascalisant « distingué » P. 301, vous trouvez Pascal « hautain et dogmatisant ». Il étale, dites-vous « l’insolence d’avoir raison ».

M. de Lavalette-Monbrun. — Je parle du ton qu’il prend en général.

M. Brunschvicg. — C’est un « honnête homme » qui, même après sa conversion, ne cesse de voir Méré et Roberval.

M. de Lavalette-Monbrun. — II a pourtant écrit « Que je hais cette sottise… »

M. Brunschvicg. — C’est la sottise qui retient le pécheur dans le péché. Vous dites ailleurs que Pascal n’a pas voulu composer un livre. Croyez-vous ? – P. 240, après avoir signalé que Pascal n’examine pas les déductions métaphysiques, vous dites : Pascal n’est pas un jongleur d’idées. Voilà qui est peu aimable pour bien des métaphysiciens religieux.

M. de Lavalette-Monbrun. — J’ai bien signalé, l’excès où se laisse aller Pascal « quand, il cède à son humeur janséniste » p. 118. J’ajoute p. 257 qu’il y a en lui deux hommes : un théologien janséniste et un chrétien fervent.