Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1914.djvu/7

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et Idéal Social », s’efforcer, dans une troisième partie, d’étudier les « conditions psychologiques de la moralité ». Il y manifeste des tendances très synthétiques relativement aux mobiles de l’action morale, s’efforçant de montrer comment les divers systèmes de morale ont mutilé la nature humaine, et comment les divers mobiles qu’ils ont préconisés (tendances naturelles, calcul utilitaire, développement de la raison, lutte contre le passions, altruisme et générosité) ont besoin d’être harmonieusement réunis en faisceaux de façon à fortifier la joie morale véritable, distincte à la fois, par sa capacité de progrès indéfini et par son caractère de santé morale, du plaisir utilitaire et de l’ascétisme mystique, deux « conceptions pathologiques de la nature humaine » (p. 247) selon M. Duprat. S’appuyant enfin sur une conception franchement déterministe du crime et de la faute, l’auteur voit dans la peine, non une sanction de l’intention mauvaise, du démérite personnel, mais une nécessité de la lutte sociale contre le crime justifiée uniquement par son efficacité pratique et subordonnée à la nécessité supérieure de l’éducation, dont la « suggestion morale » est l’instrument essentiel. Toute cette troisième partie, en dépit de la multiplicité des questions soulevées et de la rapidité fatale des solutions, forme un ensemble qui nous paraît, par son unité et sa netteté, le meilleur du livre. Nous ne pouvons en dire autant de la deuxième partie, pourtant capitale, étant donné le but de l’ouvrage. Une morale psychosociologique ne peut se contenter de juxtaposer à une étude sociologique des mœurs celle des conditions psychologiques de la moralité individuelle. On attend d’elle une détermination psychosociologique de l’idéal moral. Or il nous semble que sur ce point l’ouvrage de M. Duprat manque tout à fait de netteté. Nous ne voyons nulle part une méthode psychologique venant compléter, éclairer ou contrôler la recherche sociologique, comme on la trouve, par exemple, très différente d’ailleurs, chez un Wilbois ou chez un Rauh. — Sur chaque question mœurs et religion, obligations familiales, économie sociale et rôle de l’État, etc.), nous voyons l’auteur décrire une évolution, rappeler les faits, montrer ce qui s’établit, indiquer ses préférences. La conclusion suppose un jugement éclairé par les faits, mais nous n’arrivons pas à voir se dégager véritablement une méthode, ni à comprendre en quoi la psychologie peut guider la conscience dans son choix.

La Population et les Mœurs, par Henri-F. Secrétan. 1 vol. in-12, de 438 p., Paris, Payot, 1913. — Dans cet ouvrage l’auteur cherche à montrer les transformations des conditions de la vie et des mœurs qu’entraîne la raréfaction de la population. Il s’appuie essentiellement sur la décadence de l’Empire romain d’Occident et sur le moyen âge. Dans les deux premiers chapitres, il s’attache à réfuter la thèse de Fustel de Coulanges selon laquelle la dépopulation de l’Empire d’Occident serait une conjecture improbable. Il se réfère principalement à l’étude des textes (Végèce, Florus, Strabon, Ammien Marcellin, Salvien) qui établissent la dépopulation de l’empire, la décadence de la vie urbaine et peu à peu la misère universelle, les tentatives incessantes de la législation depuis Auguste pour réagir contre cette dépopulation. Une note de M. Camille Jullian, reproduite à la fin du premier chapitre, tire de l’archéologie et particulièrement du périmètre des villes reconstruites vers l’an 300 une preuve saisissante à l’appui de la thèse de l’auteur. Le troisième chapitre étudie l’action de la dépopulation, de l’isolement, de la misère et du banditisme qui en résultent, sur la formation de la société féodale pendant le haut moyen âge, et l’établissement de ce que les Allemands appellent le Faustrecht. La conclusion naturelle, où l’auteur aboutit, (après un chapitre où est étudié, principalement au point de vue de la Suisse, le mouvement actuel de dépopulation issu de la civilisation même) est la nécessité de la force collective, du nombre pour constituer le droit et le rendre effectif. Ce dernier chapitre contient des vues intéressantes sur le rôle de la Suisse et des états neutres, considérés comme centres de formation de l’esprit européen. L’ouvrage, en dépit de trop nombreuses répétitions et de sa composition quelque peu fragmentaire, est écrit souvent dans un style ferme et fort qui, joint à la multitude des faits empruntés à l’antiquité et au moyen âge et des textes cités, en fait, en même temps qu’un recueil utile de documents, un livre de lecture agréable.

Pédagogie Sociologique. Les influences des milieux en éducation, par Georges Rouma, 1 vol. in-8, de 290 p., Neuchatel, Delachaux et Niestlé, et Paris, Fischbacher, 1914. — Qu’il y ait un rapport de haute importance entre la pédagogie et l’étude des phénomènes relatifs à la vie sociale, c’est ce dont témoignent nombre de travaux contemporains de pédagogie. C’est là aussi ce que M. Rouma parait vouloir indiquer dans le titre de son livre,