Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 5, 1907.djvu/7

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cription de ce qu’il appelle très heureusement les aspects de la vie consciente, vie affective, vie intellectuelle, vie active ; ces passages fréquents de l’un à l’autre des trois points de vue ; ces chapitres consacrés au début et à la fin de chaque livre à relier l’un des aspects à l’autre (ex. I. II : De la vie affective ; ch. vi : Les rapports de la vie affective à la vie intellectuelle). Cette préoccupation de bien indiquer les liens entre des réalités qui se pénètrent et qui n’ont été séparées que pour la commodité de l’exposition, ce désir de montrer l’activité psychologique dans son unité et de rendre la description des éléments reliés par tant de rapports équivalente à l’unité indescriptible de l’être vivant, sont bien ceux auxquels on pouvait s’attendre de la part de M. Malapert, qui le premier a tenté d’établir entre les éléments du caractère des liens de dépendance étroite, tels que, l’un de ces éléments étant donné, d’autres s’ensuivent nécessairement, et de manière que ces relations rendent compte de l’aspect harmonieux du caractère, tout bien lié, différent de la simple juxtaposition et de la rencontre fortuite des qualités qu’y discerne une analyse superficielle.

Par l’exemple qu’il donne d’une analyse rigoureusement positive et d’un effort pour conserver, dans la description à laquelle cette analyse conduit, une vue nette de l’ensemble et, par delà les détails, la notion de l’unité propre aux réalités vivantes, le livre de M. Malapert possède la valeur pédagogique que l’auteur reconnaît à la psychologie elle-même, et qu’elle doit à la propriété « de développer ces qualités d’esprit dont l’acquisition est peut-être la vraie fin des études classiques : sens du réel avec sa complexité et ses nuances, goût de la précision, habitude de la réflexion, désir de voir clair dans ses propres idées, prudence et réserve dans l’affirmation, distinction entre ce qui est prouvé et ce qui ne l’est pas, libéralisme de la pensée qui ne s’enferme pas volontiers dans un système clos et étroit : d’un seul mot, esprit scientifique, fait de critique et de liberté ». (Préface, p. viii).

L’État présent de la philosophie, par O. Merten, 1 vol. in-12 de 118 p., Namur, Wesmaël-Charlier, Paris, Vic et Amat, 1907. — M. Merten a réuni dans ce petit volume trois discours d’ouverture prononcés en 1904, 1905 et 1906 à l’Université de Liège, et qui traitent, l’un de l’esprit critique en philosophie, l’autre des destinées de la psychologie, le troisième de la conception moderne de l’État.

Le premier formule sous leur forme la plus générale les principes d’un idéalisme critique que M. Merten situe lui-même à mi-chemin entre le positivisme et le panthéisme. « La raison, écrit-il, est avant tout une faculté abstraite, qui présuppose d’une part les objets finis dont le devenir s’écoule sous nos yeux, et d’autre part l’idéal vers lequel nous nous sentons invinciblement attirés. Les positivistes ne veulent voir que des phénomènes, et les panthéistes s’absorbent tout entiers dans l’idéal, comme si nous pouvions nous identifier avec lui. Les uns et les autres méconnaissent la véritable nature de notre raison » (p. 35). Sans vouloir contester la légitimité de cette attitude, il est impossible tout au moins de ne pas signaler que c’est au mépris de toute justice et de toute vérité historique que M. Merten voit dans le positivisme « la philosophie du néant » (p. 30), « l’anarchie intellectuelle la plus complète et la négation même de tout savoir » (p. 29), alors que le vrai positivisme a toujours été dirigé contre l’anarchie intellectuelle et morale et vers la systématisation du savoir humain.

Le deuxième et le troisième discours font l’application de cette méthode générale à deux problèmes bien définis : les destinées de la psychologie d’une part, de l’autre le rôle de l’État.

M. Merten réduit l’histoire de la psychologie à l’opposition du matérialisme et du spiritualisme. Il affirme la nécessité pour la psychologie de rester introspective et spiritualiste ; mais c’est, à son sens, « une entreprise vaine que de vouloir isoler la psychologie introspective du milieu corporel dans lequel elle est condamnée à se mouvoir » (p. 59). La réinstallation de la psychologie au milieu du monde corporel n’implique en aucune façon l’adhésion au matérialisme. M. Merten critique le matérialisme avec beaucoup de justesse et de bon sens. « Le matérialisme, écrit-il, a raison en ce qui concerne l’acquisition des idées ; mais il confond la condition avec la cause et supprime l’idéal auquel aspirent toutes les puissances de notre âme » (p. 79). Aussi « la psychologie introspective est la science principale et la psychologie physiologique est la science auxiliaire. L’alliance qui les unit est une alliance inégale » (p. 81).

Enfin le troisième discours est une histoire rapide de l’évolution de l’idée de l’État, qui conduit M. Merten à essayer de déterminer le rôle de l’État dans la société moderne. Cette évolution est orientée dans le sens de la libération progressive des individus. Aussi l’État, tel que M. Merten le conçoit, n’a-t-il d’autre fonction que d’assurer le libre développe-