Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 6, 1910.djvu/8

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subjective, la signification de la notion d’objet, établit une échelle des degrés d’objectivité, critique le concept de « donné » ; l’idée la plus profonde à notre sens, dans ce chapitre, est la distinction de la conception logique et de la conception anti-logique de l’idée de la relativité (p. 406 sqq.). Dans le viie chapitre est posée la difficile question des rapports réciproques entre la « forme » et la « matière » de la connaissance. Signalons-y encore les recherches sur l’idée de vérité dans la mathématique moderne (pp. 408 sqq.). Le viiie chapitre est consacré à la « psychologie des relations » ; le subjectivisme et l’objectivisme y sont tout à la fois transcendés ; une psychologie comme une logique toutes nouvelles y sont fondées sur le concept de relation.

Parmi les mérites de ce très remarquable ouvrage citons-en un d’autant plus notable que la science allemande ne nous y a pas habitués : l’usage le plus intelligent y est fait de la science française contemporaine (Duhem, Bouasse, Poincaré, Milhaud, Couturat).

Ueber Annahmen, par A. Meinong, 1 vol. in-8 de xvi-403 p., Leipzig, J. A. Barth, 1910. — Dans cet ouvrage dont paraît aujourd’hui la 2e édition profondément modifiée et augmentée, Meinong prétend à bon droit avoir écrit un chapitre de psychologie tout nouveau. Qu’est-ce qu’une Annahme ? C’est ce que les Anglais appellent assumption et ce pourquoi il manque un terme dans la langue française, hypothèse étant méthodologique plutôt que psychologique : c’est le fait d’admettre quelque chose, et ce que l’on admet. « Le jugement, loin d’être lui-même représentation, ne touche même pas au domaine des représentations, mais est séparé de ce domaine par tout un groupe de faits intermédiaires » : ces faits sont les Annahmen. Juger, c’est croire et c’est dire oui ou non : tout jugement est une affirmation ou une négation. Que le lecteur admette un instant que les Boers ont vaincu les Anglais, voilà une Annahme. Le livre de Meinong est consacré à l’analyse précise, nuancée, subtile, parfois difficile à suivre, de cette catégorie de faits psychologiques. Il démontre que ces faits ne se confondent pas plus avec les représentations qu’avec les jugements, car dès qu’une Annahme est négative, il y a évidemment en elle quelque chose qui dépasse la représentation (p. 9). Il cite ensuite un certain nombre de cas d’Annahmen choisis dans les jeux de l’enfant, dans l’art, dans les mensonges, etc. (p. 116 sqq.). 11 montre dans le ve chapitre de l’ouvrage que tout acte de désir a pour condition psychologique essentielle une Annahme, ce qui lui permet de relier à l’étude des Annahmen la psychologie du désir et des valeurs à laquelle on sait qu’il a déjà consacré d’importantes études : il renvoie plus d’une fois le lecteur à ses Psychologisch-ethische Untersuchungen zur Werttheorie). Par là l’unité de son livre est tant soit peu troublée, ainsi que par des redites, des renvois trop fréquents, soit aux œuvres de Meinong soit à celles de ses contradicteurs. Mais il ne faut pas oublier que ce livre est, avant tout, un recueil de recherches préliminaires, une mine de matériaux, de Bausteine : à ce titre il est plus utile et plus intéressant que bien des livres de psychologie dialectique plus artistement construits.

Die Stelle des Bewusstseins in der Natur, par J. Pikler. 1 broch. in-8 de 34 p., Leipzig, Barth, 1910. — « Un objet placé dans le champ visuel n’est pas perçu si un objet contraire n’a pas été préalablement placé dans le même champ. » La conscience est l’étincelle qui jaillit du choc de deux tendances physiques opposées. Et tous les faits de conscience, depuis la perception et le souvenir jusqu’à l’induction, la déduction et l’action volontaire, impliquent un semblable conflit. La psychologie de M. Pikler se résume dans cette loi que ses travaux antérieurs ont tenté d’établir. De cette loi, il voudrait aujourd’hui déduire une conséquence relative aux rapports de la conscience et de la nature. La conscience nait d’un choc physique : elle est semblable à la résistance qui résulte, elle aussi, d’un choc. Pas plus que la résistance, la conscience n’est une force ; son apparition dans le monde n’ajoute rien à la somme des forces, n’implique pas création d’énergie ; son influence sur le monde physique n’offre rien de miraculeux ; et la disparition de la conscience (dans les actions automatiques) n’est pas plus mystérieuse que, dans la lutte des deux forces physiques, l’affaiblissement de leur résistance mutuelle. Inversement, on peut supposer quelque analogue de la conscience partout où deux forces physiques entrent en conflit.

M. Pikler prétend qu’aucun élément hypothétique ne se mêle à sa réduction de la conscience à des éléments purement objectifs. On peut être d’un avis différent. On n’en reconnaîtra pas moins que l’auteur fait un effort ingénieux pour reconstituer la genèse de la conscience. Si la conscience a une genèse, son originalité est telle qu’il est plus logique de voir