Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/144

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que l’unité logique de ces affirmations. D’où il suit que la sagesse est dans la science, non dans cette science abstraite et détachée de tout qui n’est qu’un jeu d’idées, mais dans la science de la vie, qui n’est au fond que la vie consciente d’elle-même. D’où il suit encore que l’entendement est la plus grande puissance de la nature, que la nature aspire à l’entendement, non pas en ce sens téléologique que l’entendement serait la fin de la nature, mais en ce sens tout géométrique que l’entendement est la nature même dans l’effort suprême qu’elle accomplit à la fois pour se concentrer et se dilater. D’où il suit enfin que les oppositions imaginées entre la force et le droit, le bonheur et la vertu, sont caduques et sans portée. Le droit, qui est la vérité, est nécessairement par lui-même la plus grande force ; la vertu, qui est l’acte parfait, est nécessairement par elle-même le plus grand bonheur : dès lors, pour éviter toute considération utopique dans l’abstrait et le surnaturel, c’est par la force que nous devons déterminer le droit et par le bonheur que nous devons déterminer la vertu.

De la sorte, en unissant ce que la sensibilité a divisé, la raison nous permet de retrouver, sous une forme désormais intelligible, les convictions qui pour la plupart des hommes sont protectrices de la moralité : elle donne une certitude irrécusable à ce règne de la justice et de l’amour que la foi religieuse annonce par révélation et par grâce ; elle surmonte toutes les antinomies dans lesquelles s’était perdu le meilleur de la vie comme aussi le meilleur de la foi. Au regard des sens, en effet, presque toutes les grandes conceptions métaphysiques et religieuses se scindent en des groupes de notions contraires : la nécessité qui signifie le destin s’oppose à la liberté qui signifie le libre arbitre ; le désir qui signifie la passion s’oppose à la loi qui signifie la contrainte ; Dieu qui signifie le bien s’oppose à la nature qui signifie le mal. Et ces antithèses logiques ne font que traduire en termes abstraits les contradictions dont souffre l’âme. L’entendement, qui ne peut admettre en soi rien de contradictoire, ramène ces antithèses à l’unité par l’exclusion des éléments négatifs. Dès que la nécessité est comprise, non comme une fatalité irrationnelle, mais comme le principe de l’intelligibilité des choses, dès que la liberté est comprise, non comme une faculté ambiguë, mais comme la détermination interne de l’être par l’être même, il n’y a plus opposition, il y a unité absolue de la nécessité et de la liberté : la nécessité, c’est la raison même de l’être à sa source intime ; la