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Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/168

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l’interrogation. Au lieu de demander à l’élève une reproduction plus ou moins exacte du cours, ils l’invitent à donner son avis personnel, à discuter. — Ce procédé ne paraît pas supérieur au précédent : sans doute la classe a eu le temps d’étudier, de comprendre et de méditer la leçon : on peut donc espérer plus de pensée personnelle ; mais ce qui manque encore, c’est le temps et la liberté : Le temps d’abord, car il faut que le maître tout à l’heure fasse son cours : c’est ce cours qui est la grande affaire ; on a hâte d’y arriver : dès lors le dialogue préliminaire est sacrifié : on ne lui laisse qu’un tout petit coin de la classe, une sorte de vestibule toujours rétréci. La liberté ensuite, car cette causerie est au fond une récitation déguisée : il s’agit de montrer avant tout qu’on a étudié et retenu. Les joies de la recherche, de l’invention, de la verve sont interdites.

Ce n’est donc pas un de ces rôles accessoires que nous proposons d’attribuer à la causerie. Si nous croyons utile de l’employer, ce n’est pas au début ou à la fin de la classe, c’est pendant toute la classe ; ce n’est pas avant ou après la leçon, mais pour faire la leçon. En effet, on ne fait pas au monologue sa part : il n’y a place à côté de lui que pour une illusion de dialogue. Il faut que le professeur opte entre ces deux partis : parler ou causer. Nous devons, ou bien adopter franchement le monologue, ce qui est permis, ou bien adopter franchement le dialogue, ce qui est, je crois, meilleur.

Ainsi nous proposons le dialogue comme le procédé principal, presque le procédé unique d’enseignement. D’abord on peut s’en servir pour chercher les idées : le professeur pose le problème, en termes aussi nets, aussi simples, aussi peu techniques, aussi humains qu’il le peut ; puis il demande l’avis des élèves. Un ou plusieurs répondent. Il extrait de chaque réponse ce qu’elle contient de juste, élimine rapidement le reste : voilà une vérité acquise : ce sera une vérité du cours. En même temps, on use du dialogue comme d’un procédé critique : la première réponse est rarement juste : au lieu de la critiquer soi-même, on demande à un second élève ce qu’il en pense ; puis, s’il le faut, à un troisième ; mieux encore, on le demande à tous en général : voilà la classe entière intéressée par un procédé qui n’a rien d’artificiel et de suspect, qui est naturel et cordial par excellence. Et surtout, c’est la classe qui s’instruit elle-même, qui découvre elle-même le vrai, qui se critique elle-même ; il y a là, à n’en pas douter, quelque chose de plus libéral et de plus démocratique que dans le cours ordinaire. Le dialogue peut donc être le procédé essentiel : il exige, d’une façon impérieuse il est vrai, un simple correctif : il faut que le maître dicte aux élèves, soit après, soit même pendant la causerie, étape par étape, un plan très court, mais très net, où chaque idée se trouve résumée rapidement et fixée à sa vraie place. C’est là une précaution nécessaire, sans laquelle la méthode dialoguée «erait insoutenable. Il faut ce plan, d’abord pour que les élèves retiennent tout ce qui a été dit d’utile ; il le faut aussi pour qu’ils ne s’égarent pas, ne s’éparpillent pas dans les détails, pour qu’ils ne perdent jamais de vue le sujet, pour qu’ils dominent l’ensemble et y subordonnent chaque idée particulière, pour que les grandes lignes de l’étude leur soient toujours présentes.