Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/186

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toute détermination et toute existence, elle a détruit le contenu sur lequel elle opérait et avec lui son être même, elle n’est plus qu’une négation vide. L’empirisme, à ce moment, semble l’emporter sur l’idéalisme. Car dès le début il a mis en doute la valeur de la déduction, qu’il a appelée dédaigneusement une simple méthode d’exposition ; et il a vu dans le fait d’expérience la réalité primitive ; la pensée n’était pour lui qu’une logique de l’apparence. Il faut donc que l’idéalisme retrouve le contenu qui lui échappait, non plus comme un simple fait contingent, mais comme une détermination nécessaire. Mais comment déduire le contenu de la forme sans avoir recours à l’expérience ? Deux sortes de déduction sont possibles : la déduction directe ou positive, la déduction indirecte ou négative. Du terme où aboutit l’analyse, à savoir le néant idéal, il est évident qu’on ne peut rien déduire directement. Mais on peut, indirectement, de cette notion même déduire la nécessité d’un contenu concret ; car cette notion ainsi isolée de tout contenu devient contradictoire. Ainsi la suppression idéale du contenu de la pensée démontre négativement la réalité de ce contenu. L’analyse poussée à son terme rend nécessaire la synthèse. Sans doute, cette démarche de la pensée métaphysique ne nous apprend rien de plus que ce que nous savions déjà. Mais elle change la signification de ce que nous savions. Ce changement est considérable. Ce qui n’était qu’un fait pour l’empirisme devient ainsi une nécessité. L’être n’est plus une simple position, il est le terme d’une déduction. En dehors de cette marche dialectique, l’affirmation de tout contenu, toute affirmation synthétique est empirique. Il semble que M. Dunan ne saurait écarter les solutions de l’empirisme sans en venir, à la fin, à l’idéalisme. — L’accord de la pensée et de son contenu, tel est le fait dont l’idéalisme rend compte, il ne le considère pas comme une condition transcendantale, ni comme une harmonie qui s’établirait après coup, mais comme l’acte primitif de la pensée.

Nous sommes, maintenant, en mesure de répondre aux objections que M. Dunan dirige contre la finalité immanente. Selon lui, cette conception ne peut fournir une explication de la vie, ni rendre compte de l’action de l’idée sur la tendance. Pour ce qui est de l’explication de la vie, on remarquera d’abord que le finalisme concret n’explique nullement le vivant par composition des éléments, au contraire, sa méthode repose sur un acte synthétique déduit. Il fait entrer la synthèse qui constitue la vie dans l’esprit, sans quoi la vie serait simplement une chose-en-soi, un objet de la nature, insaisissable à la pensée. Il ne faut donc pas chercher à expliquer la pensée par la vie, mais la vie par la pensée. La pensée seule est autonome, et la vie n’est autonome que dans la mesure où elle participe à la pensée. Voir dans un vivant particulier une organisation qui se suffise et se pose elle-même, ce n’est rien moins que l’illusion matérialiste.

Quant à l’action de l’idée sur la tendance, elle s’explique par le même genre de considérations. Une tendance ne saurait s’organiser sans une unité intellectuelle ; si l’on supprime cette unité, on ne parviendra jamais à constituer une individualité autonome. Ici encore, on fait abstraction de la condition même de l’existence, à savoir, l’acte de la pensée. Et l’erreur est encore plus grave, car elle rend impossible la conception même du