devoir. C’est la face morale de ce problème. Comment pourrait-on voir dans la loi morale une idée pure distincte des mobiles sensibles ? M. Dunan demande comment l’idée agit sur la tendance, l’idée étant extérieure à cette tendance. C’est précisément cette conception de l’idée qu’il faut critiquer : si l’on pose, d’une part, comme le matérialiste, un monde réel se suffisant à lui-même et, d’autre part, une unité vide, il est bien certain que cette unité ne pourra agir sur le réel, qui existe en dehors d’elle. Mais cela prouve seulement que cette conception est inacceptable et que pour constituer la nature il faut nécessairement une idée. L’idée n’est donc pas quelque fantôme extérieur aux choses. Au contraire, les choses relèvent de l’idée et n’ont d’existence que par elle. Il n’y a donc pas, d’une part, un désir et, de l’autre, l’idée. Mais le désir ne devient autonome que parce que l’idée lui confère son unité ; et ce n’est pas la multiplicité du désir qui précède l’idée, c’est l’autonomie de l’idée qui précède logiquement le désir.
Il nous reste à examiner rapidement la théorie du temps et de l’espace que M. Dunan a déduite de sa conception de la vie. Il n’est pas évident, au premier abord, que nous puissions saisir la synthèse des éléments du temps, autrement que d’une manière empirique. Peut-être faudrait-il renoncer à expliquer métaphysiquement la durée réelle (qui est la synthèse des éléments) et l’accepter comme un fait. Tant que nous usons de l’analyse, nous ne saurions que réduire la durée réelle et continue en éléments discrets. Telle serait la solution au point de vue de la pensée abstraite. M. Dunan ne croit pas pouvoir s’arrêter à ce résultat, il veut donner une explication métaphysique de la réalité de la durée. Nous sommes toujours en présence de la même difficulté : comment atteindre un tout concret (la durée réelle) en additionnant les moments du temps ? M. Dunan pose donc comme primitive la durée réelle et concrète d’où la succession empirique se déduit abstraitement. Il définit la durée concrète (le temps métaphysique) la coexistence des moments du temps, conception où coexistence et succession se trouvent unies. Est-il vrai que le temps soit ainsi fondé métaphysiquement ? Personne ne conteste que la succession, si elle n’est pas déduite, est un ordre empirique. Il s’agit de trouver un principe d’où on la déduira. La coexistence des moments du temps satisfait-elle aux conditions que doit remplir un tel principe ? nous ne le pensons pas : en effet, coexistence implique pluralité des moments et cette pluralité n’a pu être appréhendée qu’empiriquement : pour affirmer que les moments successifs forment métaphysiquement un tout, il faudrait les déduire, comme nous l’avons indiqué plus haut pour l’existence et pour la pensée en général. Or la notion métaphysique pure dont on pourrait déduire la succession temporelle, n’est autre chose, selon nous, que l’éternité. Unir le temporel et l’éternel, montrer que le temps existe par l’éternité, l’éternité par le temps, qu’en un mot l’ordre du temps est éternel et nécessaire, telle serait la déduction où prendrait tout son sens la parole de Bossuet : « L’éternité est dans chaque instant ».
Pour ce qui est de la déduction de l’espace, des difficultés particulières se présentent : peut-on déduire l’espace, et de quelle notion le déduire ? L’espace est l’ordre actuel des existences relatives ; la déduction métaphy-