Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/244

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sa propre loi, le principe d’identité. C’est plutôt inconsciemment qu’elle s’exerce et comme par instinct, sous l’influence des déterminations qui l’affectent du dedans et du dehors, et ainsi se constitue la perception soit des objets sensibles, soit de nous-même, perception dont il est par la suite si malaisé de reconnaître l’inexactitude.

Les choses ne sont donc pas ce qu’elles nous apparaissent et elles ne peuvent pas ne pas nous apparaître comme elles nous apparaissent. La nature et nous-mêmes à nos propres yeux, dans la mesure où nous faisons partie de la nature, nous sommes le produit d’une sorte de fantasmagorie systématiquement organisée, et organisée avec une telle perfection, une telle régularité pour tous les sujets percevants, qu’elle vaut comme la réalité même. Les sensations extérieures et les sensations intérieures, qui en sont les éléments, n’ont cependant qu’une réalité phénoménale. Les premières constituent le même monde sensible pour tous les êtres doués à quelque degré que ce soit de la connaissance, les animaux aussi bien que les hommes ; mais ce même monde sera connu des uns et des autres d’une manière bien différente, et les hommes seuls pourront s’élever au-dessus de la déception, sans parvenir toutefois, même quand ils l’auront reconnue, à s’en affranchir. Les sensations intérieures, d’un autre côté, les données de la conscience, tout aussi bien liées entre elles que les sensations extérieures, forment avec plus ou moins de netteté, suivant la clarté des diverses consciences individuelles, le moi de chacun de ces êtres. La loi de la pensée, principe d’identité ou principe de contradiction, est en effet la même pour tous, et, qu’ils le sachent ou non, elle a pour tous la même valeur objective.

Mais seuls nous sommes capables de réfléchir sur cette loi, d’en comprendre la portée, d’en mesurer les conséquences et de nous élever ainsi à la vraie connaissance des choses. En lui-même, le principe d’identité n’exprime, semble-t-il, qu’une vérité insignifiante par son évidence même et l’on n’en voit pas d’abord la valeur. Mais au contact, pour ainsi dire, des données de l’expérience, sa haute signification se manifeste tout à coup, et il éclaire d’une lumière subite tout le domaine de la connaissance. Cela seul, en effet, est en complet accord logique avec la loi fondamentale de notre pensée qui est parfaitement identique avec soi-même et par conséquent ne contient absolument aucune combinaison de qualités ou d’éléments divers. Or nous ne connaissons ni par les sens ni par la conscience rien de tel. Si, d’autre part, l’expérience nous oftrait une combi-