Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/243

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le rouge et le vert, ne peuvent être unies dans le même objet en même temps ;

3° Enfin, une union inconditionnelle et immédiate de qualités différentes de n’importe quelle espèce, n’est pas possible d’une manière générale ; ou, plus brièvement : le divers, comme tel, ne peut être un et le même.

Mais c’est là, exactement, sous forme négative, le principe positif : Tout objet est identique à lui-même, a une nature qui lui est propre. Voyons ce qui en résulte nécessairement.

Il en résulte que les objets de l’expérience, qui sont tous composés et changeants, ne sont pas des êtres à proprement parler, et doivent cependant nous apparaître comme des êtres, comme des corps et des esprits. Ils ne sont pas des êtres véritables, parce que l’expérience interne ou externe, ne nous permet en réalité d’atteindre aucune substance, parce que, dans ses données, il n’y a que diversité et multiplicité. Et, d’autre part, nous ne pouvons pas nous empêcher de voir en nous et hors de nous des substances, d’abord parce que l’essence de nos idées, comme nous le savons, est d’affirmer l’existence de leurs objets, et ensuite parce que, en vertu de la loi de notre pensée, tout objet se présente à nous comme un et identique, comme ayant une nature propre, comme une substance, ou comme se rapportant à une substance dont il paraît être alors la qualité. Sans doute, si nous avions pu, lorsque nous avons commencé à penser, réfléchir sur les données de l’expérience, nous serions arrivés d’emblée à cette exacte appréciation de notre connaissance, nous aurions tout de suite prévenu l’illusion qu’elle contient et que nous avons tant de peine à découvrir aujourd’hui, après des siècles de traditions philosophiques et à travers tous nos préjugés. Nous aurions reconnu du premier coup d’œil que les sensations objectives, couleurs, sons, odeurs, saveurs, les sensations tactiles et musculaires, les sensations enfin de température ne doivent pas être considérées comme des objets réels, des substances ou des qualités de substances. Nous aurions vu qu’elles ne s’accordent pas du tout avec l’idée que nous avons de l’essence propre, inconditionnée des corps, qu’elles sont seulement des phénomènes, et que, même à ce titre, elles n’ont de réalité que pour nous qui les percevons. Il en est de même des données de l’expérience interne ou de la conscience. Mais notre intelligence à ses débuts est naturellement bien éloignée de pouvoir déduire avec une rigueur logique les conséquences à la fois et des faits et de