Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/277

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connu d’une façon incertaine[1] ». — Nous ajouterons : Connaître l’objet en tant qu’objet est impossible, parce que les mots « connaître » et « objet » sont termes qui ne peuvent figurer dans une même proposition sans contradiction. L’objet connu deviendrait ipso facto une pensée, c’est-à-dire une modification du moi, un état de conscience, donc quelque chose de subjectif.

Mais si la certitude objective est une impossibilité, même aux yeux de ceux qui repousseraient certainement notre thèse de la vanité de la connaissance proprement dite, d’où vient ce désir de connaître qui est en nous ? Ne serait-ce pas le désir de la certitude objective ? Ou serait-ce bien ce désir et y aurait-il alors contradiction radicale entre la tendance invincible de l’esprit et la puissance de l’esprit ? Il y a là un problème à résoudre et l’on ne peut le résoudre qu’en analysant ce désir de connaître qui semble faire partie constitutionnelle de notre être.

Chacun peut facilement faire l’analyse de ce désir de connaître. Comme tout désir, il implique un manque dont l’esprit souffre. De quelle nature est ce manque ? Il peut être de deux espèces : le premier produit un sentiment d’apparence spontanée et qui n’est accompagné d’aucun malaise ni d’aucune douleur mentale ; on l’appelle la curiosité. Il se rencontre à son degré le plus élevé dans l’enfant, et, chez l’homme mûr, à de certains moments heureux où l’esprit, jouissant d’une sorte de tonicité sui generis, éprouvant un indéfinissable renouveau, semble appeler la connaissance. Cette curiosité traduit le besoin de donner de l’activité à un cerveau jeune et frais. Ce désir-ci est donc provoqué par le trop peu d’idées et il ouvre la période de la vie mentale qu’on peut appeler période d’acquisition. L’esprit, quel que soit ce que nous appelons ainsi, a de la force en disponibilité et il a hâte de l’exercer. Il n’y a rien là qui ressemble à l’étude et à la connaissance entendues au sens ordinaire de recherche et possession de la vérité. L’esprit cherche son propre bien-être comme un organe pour qui l’inertie serait la mort.

Mais à cette période d’acquisition succède une période toute différente, dans laquelle apparaît non plus le désir de connaître tel que nous l’avons sommairement décrit, mais un besoin de la vérité. Voilà une notion nouvelle et qu’il est essentiel d’éclaircir. Qu’est-ce que l’homme entend par vérité ? Quel sens ce mot a-t-il réellement ?

  1. Delbœuf, Logique, p. XI.