arrêtées, finiraient par amener sa destruction. D’où il suit que ce qui rend la science indispensable à l’homme, c’est que son esprit a la propriété de mémoire, car sans elle pas de diversité, sentie ou connue, des apparences, pas de conflit de celles-ci, pas de besoin de protection par conséquent. Ce qui rend la science nécessaire à l’homme, c’est donc précisément ce qui, d’autre part, la lui rend possible aussi, la mémoire.
Reprenons notre exposé. Ce que nous avons dit du désir du vrai est corroboré par l’observation que chacun peut faire de ce qui se passe en lui dans l’acte de connaissance. En effet, quand je cherche à savoir d’une connaissance objective, je constate par la conscience que je cherche simplement à créer une association d’idées, sinon indissoluble, du moins très constante. Quand je cherche, par exemple, à savoir ce que c’est que le livre qui se trouve devant moi, j’ai en vue uniquement de créer, uni à l’état mental : livre, un autre état mental ou un groupe d’états, assuré de la durée et qu’on appelle la définition du livre. Mais que le mot définition ne nous trompe pas : en vérité je ne cherche pas à savoir ce qu’est le livre, je cherche à unir à un état de conscience donné un ou d’autres états de conscience tels théoriquement que, quels que puissent être dans l’avenir les autres états qui informeront ma conscience, ils ne parviennent jamais à ébranler ni à rompre l’association que j’aurai formée entre livre et l’état ou les états de conscience que ma recherche aura créés.
Nous croyons donc pouvoir, dès à présent, poser, d’une manière générale, que la connaissance dite objective d’une chose est simplement la création d’une association durable entre l’idée d’une chose et telles ou telles autres idées.
De la définition donnée ci-dessus de la connaissance, il résulte que la vérité, au point de vue de l’homme, est subjective et provisoire : provisoire, parce que l’association créée ne peut jamais être assurée de l’éternité, ni même de la constance durant la vie d’un même esprit : et d’ailleurs l’histoire des religions, des sciences et des philosophies le démontre suffisamment. Subjective, ajoutions-nous, mais ceci demande explication.
La connaissance ne peut chercher à atteindre l’externe : l’aveu en est fait même par ceux qui croient que la connaissance n’est pas une illusion et sur le terrain desquels nous nous sommes placés dans ce chapitre. Ils l’avouent parce que l’on a démontré depuis longtemps