Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni la connaissance dite subjective n’ont en soi de rapport avec la possession de la vérité et que la réalité est hors de leurs prises. La seconde de ces thèses est la seule qui puisse paraître paradoxale : qu’y a-t-il, en effet, dira-t-on, de plus certain et de plus immédiat que la connaissance de l’esprit par lui-même ? La psychologie introspective d’abord a prétendu à la vérité (immédiate) ; la psychologie dite scientifique y prétend de nos jours. La psychologie introspective est entachée de l’illusion que nous avons signalée dans le premier chapitre ; quant à l’autre, elle est victime de la double illusion que nous avons relevée dans la connaissance objective, précisément parce qu’elle prétend être une psychologie scientifique.

Qu’est-ce, en effet, qu’une semblable psychologie ? C’est — tel est l’idéal visé — un système de lois ayant la certitude et l’universalité des lois « physiques ». Mais ces lois physiques, que sont-elles donc au fond ? Une création de l’esprit dans leur contenu et dans leur forme. Expliquons-nous : après ce que nous avons dit jusqu’ici, l’explication sera courte.

D’abord il est illogique de chercher à donner à la psychologie le caractère des sciences, précisément parce que, tant que la psychologie n’est point faite (ici nous supposons, pour la discussion, cette science réalisable), je ne sais pas s’il y a des sciences et surtout je ne sais pas quelle est leur valeur. C’est à la psychologie, au contraire, de m’éclairer sur la valeur des lois et sur l’idée de loi physique. Il n’est plus aujourd’hui de philosophie sérieuse possible (et, partant, de science possible) qui ne repose sur une psychologie préalable.

Nous croyons avoir montré, dans le chapitre précédent, l’origine de notre besoin de « rechercher les lois externes ». Nous avons vu que ce que nous cherchions en effet, c’était à créer des types d’association mentale, c’est-à-dire des lois auxquelles les phénomènes mentaux qui apparaîtront à la conscience devront se soumettre pour que nous éprouvions le bien-être mental. L’idée de loi physique relève donc du domaine du bonheur et non du domaine du vrai en tant que vrai. Je ne sais pas s’il y a des lois ; ce que je sais, c’est que je cherche à en établir, à en créer dans mon monde intérieur parce que je sens ou parce que j’ai reconnu que mon bien-être mental en dépendait. Et quand alors, passant du domaine du bien-être à celui du vrai, j’affirme que ces lois (mentales) sont des lois physiques, je suis dupe d’une illusion que je crée moi-même et en