Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/400

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celle du second. Il suffit ; et d’après les définitions précédentes, b est en mouvement, a en repos.

On insistera sans doute. Occuper une place en un premier ou en second moment, c’est toujours l’occuper ; la circonstance de temps est extrinsèque ; l’occupation comme telle reste la même. Y a-t-il donc deux manières différentes d’occuper un lieu ?

Nous ne pouvons répondre qu’en faisant un pas de plus dans la théorie.

Mon distingué contradicteur pense que j’ai eu le tort, dans une étude déjà ancienne, et qu’il me fait l’honneur de citer, d’étudier le mouvement plutôt en ses effets qu’en lui-même. Peut-être, très limitée alors dans le cadre étroit d’un chapitre, ma pensée n’a-t-elle pas été aussi explicite qu’il l’eût fallu ; mais, si, contre mon gré, j’ai laissé autrefois dans l’ombre la part d’activité que j’ai toujours cru inhérente au mouvement, le moment me paraît venu de revenir sur des traits esquissés à la hâte et d’insister.

« Un point mobile, dit M. Noël, peut occuper dans l’espace une position quelconque, mais à la condition de l’avoir atteinte. Cette position est le terme d’un mouvement, et c’est avant d’arriver à ce terme que le mobile a dû se mouvoir. »

Une telle affirmation paraîtra à beaucoup d’esprits si naturelle qu’ils ne songeront pas même à la contester. C’est que, dans l’ordre de l’intuition et des faits sensibles, chaque expérience la rappelle et la confirme. Quelle est donc la forme générale, le schème habituel du mouvement qu’on perçoit et qu’on imagine ? Entre un point initial et un point final, une longueur divisible que doit épuiser le mobile, en voilà les traits essentiels. Au point de départ apparaît le corps en mouvement, puis il s’achemine sur la ligne et touche au but. Départ, mouvement, arrivée, voilà trois faits très distincts qui se détachent nettement sur le fond de l’espace où ils se dessinent, et que ni l’œil ni la pensée imaginative ne peuvent coufondre. Reste à savoir, après tout cela, ce que peut bien être en soi le mouvement. Faut-il croire que ce symbole visible soit l’image exacte et comme le décalque de sa nature, et ne craint-on pas de s’égarer lorsqu’on va demander ses informations au phénomène, au risque de faire passer jusque dans l’essence du mouvement vrai ce que la représentation lui donne d’indistinct et de confus ? Nous ne voyons qu’en gros et de loin. Partir de la vision, c’est partir d’une ignorance, c’est partir en tout cas d’un tout où les parties disparaissent, pour faire de leur indétermination même la substance d’une réalité qu’elles dissimulent. Dans l’hypothèse nécessaire du contigu, tout est net, précis, distinct. Les grandeurs, en quelque sorte, sont réduites à leurs atomes. Il faut les distinguer, les prendre un à un, et tenir compte des nécessités qu’ils nous imposent, au lieu de les envelopper de mystère et de les cacher, en les confondant, sous le continu.

Si, dans l’espace, les parties sont juxtaposées, et elles doivent l’être, car le vide d’espace ne se conçoit pas, le mouvement élémentaire doit grandement différer de celui que l’expérience offre à nos yeux. Restons donc dans la donnée du problème ; une fois de plus laissons là l’intervalle qui détruitrait l’hypothèse, et ne voyons plus que la contiguïté d’éléments où il lui est d’avance interdit de pénétrer.