ment implique cette nécessité, ce devoir de reconnaître des valeurs (ein Anerkennen von Werthen).
À ce point de vue, il est possible de rapprocher l’homme moral qui agit de l’homme intellectuel qui recherche le vrai. Tous deux se subordonnent à un devoir dont la valeur est indépendante du sujet individuel et le dépasse. Le second veut la vérité, comme le premier veut la moralité, pour elle-même et non point en vue de fins particulières. On pourrait en ce sens parler d’une autonomie logique.
En résumé, l’étude qu’on vient d’analyser n’avait point pour objet de démontrer la réalité objective du monde transcendant dont le sens commun affirme l’existence. Il s’agissait simplement de fixer le minimum transcendant que tous reconnaissent implicitement, le sceptique comme le dogmatique.
C’est en effet l’un des caractères les plus saillants de la thèse de M. Rickert que l’extrême prudence de l’argumentation et la modestie des prétentions. L’auteur s’est strictement limité au sujet qu’il annonce, il ne se montre point curieux de poursuivre en psychologie, en métaphysique, en morale les conséquences de ses conclusions, si nettes pourtant et si suggestives. Le parallèle qu’il établit au terme de son étude entre l’obligation logique et l’obligation morale n’est guère qu’un éclaircissement sans portée dogmatique. S’il a nettement rompu avec le positivisme, auquel il nous dit s’être rattaché jadis, il affirme avec une égale netteté son hostilité pour le réalisme métaphysique. À vrai dire, son langage est trop souvent celui d’un métaphysicien de l’école kantienne. À plusieurs reprises, l’inquiétude nous prend de voir reparaître les arguments de la dialectique transcendantale. N’allons-nous pas, du phénomène inexplicable en lui-même, être renvoyés à quelque entité indéterminable, à l’x de Kant ? Du relativisme n’allons-nous pas en appeler à la croyance ? N’est-ce pas enfin un terme bien équivoque que ce mot de devoir appliqué à la théorie de la connaissance ? Est-ce l’obligation morale qui va être invoquée comme la garantie dernière de toute vérité ? Mais avec une très heureuse souplesse de dialectique, M. Rickert se dérobe à toute tentation d’abandonner le terrain du criticisme pour essayer une détermination positive du concept de transcendance. Il se tient constamment à égale distance du positivisme et de la métaphysique, fidèle à sa méthode d’expérience et d’analyse.
Que si maintenant nous essayons de dégager la thèse personnelle de M. Rickert du réseau un peu compliqué d’objections et de répliques dans lequel elle se trouve comme enveloppée, voici, semble-t-il, à quels termes nous la pouvons réduire : L’objet transcendant sur lequel se règle la connaissance et dont le sens commun croit pouvoir affirmer la réalité au delà des phénomènes, n’est pas un être. On ne saurait, en effet, échapper à l’alternative suivante : ou l’être est saisi par une prise directe de la conscience, et dès lors il n’est pas transcendant ; ou il est affirmé médiatement à la suite et comme conclusion d’un raisonnement, et en ce cas le jugement par lequel nous posons l’existence de l’être transcendant est antérieur à cet être, il en est pour nous la condition même. Or y a-t-il dans le jugement quelque élément qui nous autorise ou même nous oblige à