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ment contenue dans le concept historique. Il reste maintenant à parler d’une autre hypothèse, de l’hypothèse ontologique, qui supprime la relativité, cette fois, dans la catégorie d’existence, et qui postule la réalité de la substance.

Il est d’abord nécessaire d’établir une distinction bien tranchée entre l’existence en soi phénoménale et l’existence en soi absolue ou substantielle.

Il est clair que nous attribuons au phénomène du monde extérieur, à ce que l’on peut appeler l’objet objectif, par opposition avec le phénomène subjectif ou état de conscience, l’existence en soi. Cet arbre, cette table, cette goutte de pluie, au moment où je les pense comme objets, je leur reconnais une existence de choses en elles-mêmes, distincte de la mienne. Mais cette existence n’est nullement un absolu. Sans l’intelligence qui le construit, sans les sensations et les images qui le composent, le phénomène s’évanouit ; son existence, indépendamment du sujet, n’exprime aucune réalité.

Affirmer que le phénomène physique existe en lui-même, c’est traduire en langage philosophique le fait formel de l’objectivation, c’est-à-dire d’un acte mental, mais ce n’est point lui reconnaître une faculté d’être, une puissance qu’il posséderait en soi et par soi. Tout autre est l’existence en soi de la substance. C’est l’existence en soi possédant une réalité objective, c’est-à-dire réellement indépendante du sujet pensant ; c’est le substrat du phénomène en soi, la réalité dont le phénomène est le signe, le sujet dont les apparences sensibles sont les attributs ou prédicats. La substance est, ainsi, l’existence en dehors de toute conscience qui la percevrait, l’existence en dehors de toute condition, partant l’existence absolue. De ce qu’on ne peut pas la concevoir pleinement, il ne résulte pas nécessairement qu’on ne puisse pas la postuler, c’est-à-dire raisonner comme si elle était implicitement donnée parmi les hypothèses d’où l’on part. Et, de fait, le concept historique n’acquiert sa véritable signification qu’à la faveur de l’hypothèse de la substance.

Elle permet, en effet, d’établir un lien entre les éléments des multiplicités de succession et de parler de l’histoire des choses extérieures. Les divers éléments, en tant que phénomènes, n’ont point d’existence durable et, par suite, n’ont point d’histoire ; pour pouvoir parler de l’histoire de quelque chose, il faut que ce quelque chose soit le sujet invariable du changement et ne soit ni le changement ni les apparences qui changent. Grâce à l’hypothèse de la substance, le con-