Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/468

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manifeste une fois que l’esprit a franchi les bornes où il était enfermé primitivement pour acquérir une science plus vaste et plus complète ; et en même temps qu’elle se manifeste, puisqu’elle n’a rien en soi de subsistant et d’essentiel, elle s’évanouit. C’est la lumière qui révèle à l’homme l’existence des ténèbres, aussi bien que sa propre présence ; de même, le vrai est le critérium du faux, et du vrai également. Et de même que l’apparition de la lumière suffit à chasser les ténèbres, l’erreur se dissipe aux premiers rayons de la vérité (I, 111). Le remède unique à l’erreur, c’est donc la vérité. Par conséquent l’affirmation et la négation ne peuvent pas être considérées comme deux catégories qui s’opposent l’une à l’autre au sein d’une même réalité qui serait la pensée ; l’une est, l’autre n’est pas, de sorte qu’il n’y a aucune détermination qui leur soit commune et qui puisse servir à les comparer. Il ne peut y avoir de relation qu’entre ce qui est et ce qui est, c’est-à-dire entre la vérité et la vérité, vérité étroite et limitée d’une part, vérité large et intégrale de l’autre. Une idée fausse est une idée qui n’a pas encore atteint le développement que comporte l’essence réelle à laquelle elle correspond objectivement, c’est une idée inadéquate ; une idée vraie est une idée qui possède la plénitude de sa compréhension, c’est une idée adéquate. Or l’idée inadéquate est une partie d’idée adéquate, l’idée adéquate est une totalité d’idées inadéquates. Le rapport entre l’erreur et la vérité se ramène en définitive au rapport entre la partie et le tout. Si donc il nous arrive d’avoir des idées inadéquates, il n’en faut pas conclure qu’il ne soit pas dans la nature de l’être pensant de former des idées vraies, c’est-à-dire adéquates, mais simplement que notre esprit n’est pas tout l’esprit, que nous ne sommes qu’une partie d’un être pensant dont certaines idées constituent notre esprit, les unes prises dans leur intégralité, les autres en partie seulement (I, 25).

Cette conception implique sans doute que toutes les idées sont homogènes les unes par rapport aux autres, qu’il n’y a pas de vérité provisoire pour ainsi dire, susceptible de se transformer en erreur au contact de vérités nouvelles, mais que chaque vérité possède dès le principe une valeur intrinsèque et définitive. Cependant il faut se garder de l’entendre dans un sens matériel, et de juxtaposer ces idées à la suite les unes des autres, comme on fait des éléments d’une somme arithmétique. En assimilant la vérité au total d’une addition, on ferait abstraction de ce qui nous a paru la caractériser,