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Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/469

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en tant que réalité spirituelle, je veux dire de son intériorité. Les idées sont intérieures les unes aux autres, en même temps qu’intérieures à l’esprit, c’est-à-dire les parties sont intérieures au tout. Entre elles il existe un ordre déterminé et immuable, suivant lequel elles s’assemblent pour former une totalité à la fois autonome et achevée, qui est autre chose qu’une simple collection, qui est véritablement une unité. Cet ordre légitime (debitus ordo), il eût pu se faire que l’esprit se développant le suivit naturellement et nécessairement, sans jamais s’égarer, sans jamais rencontrer le doute, toujours éclairé de cette lumière par laquelle la vérité se manifeste elle-même (I, 14). Mais en réalité nous avons vu qu’il n’en était pas ainsi : les hommes n’ont pas l’habitude de la méditation interne où la spontanéité de l’àme agit suivant ses lois déterminées ; ils s’abandonnent aux choses extérieures dont ils reflètent au hasard les circonstances et les accidents, et alors la liaison des impressions corporelles se substitue dans leur âme au rapport logique des idées ; ou bien ils énoncent des propositions auxquelles leur jugement individuel n’a point de part, parce que, au lieu d’unir une idée à une idée, ils joignent un mot à un mot, parce qu’ils affirment et nient, non pas comme le veut la valeur logique de leurs concepts, mais comme le veut l’apparence du langage, dupes par conséquent de l’usage vulgaire qui a revêtu arbitrairement telle expression d’une forme affirmative et telle autre d’une forme négative (I, 30). Ce qui importe d’ailleurs, ce n’est point d’énumérer ici les différentes causes d’erreur, mais de montrer par des exemples qu’il existe un état où notre esprit joue un rôle tout passif, où le lien de nos idées a sa source et sa raison en dehors de nous, état vague que Spinoza propose d’appeler du nom général d’imagination (I, 29).

Nous comprenons dès lors que, puisque l’homme tombe sous le joug de l’imagination, il faut qu’il cherche à « s’en délivrer » (I, 29), pour rentrer en possession de son intelligence. Et ainsi réapparaît sous un nouvel aspect le problème de la méthode. En effet deux manières d’enchaîner les idées étant en présence, c’est à la méthode qu’il appartient d’enseigner l’ordre vrai, celui qui évite toute interruption dans le développement des idées qui épargne toute recherche inutile. Si nous étions capables de suivre cet ordre de nous-mêmes, par une sorte d’instinct qui nous y pousserait fatalement, la connaissance de la méthode serait sans doute inutile ; mais puisque notre nature ne nous y porte point nécessairement, le progrès de