Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/558

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de prouver que l’esprit existe par l’effet d’une nécessité de la pensée. L’existence concrète des choses (dans la nature et l’esprit) doit être déduite de leur essence ou de leur nature abstraite dans la pensée ; il faut montrer qu’elles ne peuvent pas ne pas être. » Que l’on puisse, à l’appui de cette interprétation, trouver bien des passages dans l’œuvre de Hégel, cela n’est pas contestable. C’est ainsi que, cherchant à montrer comment s’effectue le passage de l’idée absolue à la nature, il dit de l’idée qu’elle « se laisse librement aller, absolument sûre d’elle-même et au repos en soi », et nous parle « de la résolution (Entschluss) de l’idée pure à se déterminer comme idée extérieure ». Cependant, si Hégel admet que le mouvement dialectique suppose que la pensée pure nous est préalablement donnée en combinaison avec les sens, peut-il supposer, après cela, que le simple mouvement de la pensée pure produit les sensations, conditions de sa propre existence ?

Nous devons épuiser tous les moyens d’explication, avant de consentir à croire que Hégel se soit rendu coupable d’une contradiction aussi flagrante, et, tout d’abord, dans l’objection, en apparence unique, de M. Seth, démêler deux objections distinctes, qui s’y trouvent identifiées et confondues. Car l’existence réelle s’y trouve confondue avec l’existence dans la nature ou dans l’esprit — l’essence pure, ou la virtualité de la chose dont on ne sait encore si elle est réelle, ou seulement possible, avec les catégories de la logique. Mais, d’une part, toute proposition ayant trait au règne de la nature ou de l’esprit n’implique pas l’existence réelle : car une proposition de ce genre peut rester hypothétique et n’énoncer qu’une possibilité. Un dragon est un être naturel, quand bien même des dragons n’existeraient nulle part ; et affirmer que tout dragon occupe un espace revient à dire, sous forme conditionnelle, que « s’il y avait des dragons, ils occuperaient un espace ». — Et inversement les catégories de la pensée pure peuvent se rapporter à l’existence réelle ; la proposition : « le devenir synthétise l’être et le non-être » est une proposition de ce genre, car la catégorie de l’être est applicable, nous le savons, à l’existence réelle, puisque la négation de l’existence de cette catégorie serait contradictoire. On est naturellement tenté d’opposer la pensée à l’existence réelle comme on oppose le médiat à l’immédiat : car la fonction de la pensée est de soumettre à sa médiation des données immédiates. Mais, pour cela il faut donc qu’elle existe ; ou bien comment pourrait-elle se manifester ? Et l’existence de la