Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/559

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logique, prise en soi, prouve que nous pouvons penser sur la pensée, comme sur une donnée de fait. — Ainsi toute affirmation, qu’elle se rapporte à la logique, à la nature ou à l’esprit, est susceptible également du mode hypothétique ou du mode catégorique. Dire de la dialectique hégélienne qu’elle est une tentative faite pour détruire des catégories de la logique les catégories de la nature et de l’esprit, — et qu’elle est un effort pour déduire de la nécessité dialectique de chaque catégorie la réalité en acte qui lui correspond, c’est porter deux accusations distinctes, et qu’il convient d’examiner tour à tour.

Or, si nous pouvons établir que la déduction, dans le passage de la logique à la nature, présente le même aspect analytique qu’elle avait dans la logique elle-même, comment prétendre que l’esprit puisse se déduire synthétiquement de la logique, si la logique n’est qu’une abstraction de l’esprit ? Mais, chose singulière, M. Seth admet que, dans la logique, la déduction se présente sous l’aspect analytique ; il reconnaît que « le mouvement progressif est en réalité, ici, un mouvement régressif, qui consiste à remonter sur nos pas jusqu’au monde tel que nous le connaissons dans la plénitude de ses déterminations réelles. » Comment admettre alors que Hégel, ayant suivi une méthode pour développer la nature de la pensée pure, en suive une autre pour franchir la distance qui sépare la pensée pure de la nature ? — Distinguera-t-on, avec M. Seth, entre le point de vue de la connaissance et le point de vue de l’être ? Dira-t-on que Hégel peut bien, au premier point de vue, admettre que nous n’arrivons à la connaissance de la pensée pure que par une abstraction de l’expérience, tout en considérant néanmoins, au point de vue de l’être, la nature comme le produit de la pensée pure ? Distinction admissible, si les éléments constitutifs de l’expérience étaient des entités douées d’une existence autonome, capables d’exister les unes à part des autres. Ainsi on pourrait dire que l’oxygène et l’hydrogène ont beau être extraits de l’eau dans certaines expériences, cependant il est plus conforme à l’esprit de la science de les considérer comme les éléments véritables — et les tenir, eux et non pas l’eau, pour la réalité ultime. Mais la comparaison ne vaut pas ici : car l’existence de l’élément immédiat est essentielle à l’existence de l’idée, autant que les côtés d’un triangle à ses angles. Sans cet élément immédiat, rien qui soit véritablement concret ; et d’autre part l’idée n’est qu’un élément du concret, qui en est dégagé par abstraction.