Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/571

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Nous transposons l’impénétrabilité et la causalité où elles ne sont pas, en les déplaçant de leur base propre et primitive, mais on ne peut dire que nous transposions des rapports de grandeur, de nombre, car ces rapports sont aperçus de la même manière entre tous les objets comparés et ne sont pas plus propres aux uns qu’aux autres.

Comment l’idée d’impénétrabilité transposée, étant celle d’un noumène, peut-elle nous tromper ? Ce qui est illusoire ne tient-il pas essentiellement de la nature du phénomène ? et ce qui nous est donné immédiatement, ce que notre activité ne produit pas et ne peut changer, n’a-t-il pas seul le caractère nouménal ? Comment les éléments d’un groupe considérés dans l’état d’abstraction peuvent-ils avoir une réalité que le groupe n’a pas ?

M. Ampère prétend que l’étendue, n’étant qu’un mode de coordination des phénomènes, n’est par elle-même ni phénoménale, ni nouménale, mais peut-être l’un et l’autre, suivant que les éléments coordonnés sont des phénomènes tels que les couleurs, les sensations tactiles, etc., ou des noumènes, comme les éléments impénétrables.

Sur cela j’observe que si les éléments impénétrables ne peuvent être conçus sans étendue ou espace, c’est-à-dire être revêtus d’une forme subjective ou relative aux sens de la vue ou du toucher, il devient impossible de concevoir ce que peut être un mode de coordination de noumènes qui n’ait rien de subjectif ou qui soit indépendant des formes de nos sens et de notre esprit.

Dans tous les systèmes soit idéalistes, soit réalistes, il faut concevoir que notre esprit a ses lois propres, primitives, indépendantes des impressions étrangères et antérieures à elles ; que rien ne peut être conçu hors de ces lois et qu’elles règlent l’ordre et la combinaison des phénomènes sans être déterminées par eux.

Une de ces lois primordiales est que rien ne soit représenté ni conçu en nous ou hors de nous sans une certaine forme d’unité à laquelle la pluralité est relative. Toute idée générale est une unité collective ; le signe, qui est une création de notre esprit, imprime à l’idée générale le sceau de l’unité du moi ; ce signe représenté à la vue ou à l’ouïe constitue une sorte d’unité objective.