est donnée dès le début dans la cœnesthésie et dans les sensations massives et volumineuses qui en sont des différenciations (II, 51). Cette dimension se différencie du reste surtout par la réaction de l’appétit : elle est la direction de l’effort moteur immédiatement sentie et superposée comme une troisième ligne aux surfaces visibles. M. Fouillée attribue aussi, dans la genèse de cette dimension, un rôle important aux sentiments de la pesanteur et de l’équilibre corporel.
En résumé, l’idée d’espace n’est que l’extrait d’un complexus d’impressions sensori-motrices dont l’élément premier et irréductible est le sentiment général d’extensivité dû à la cœnesthésie. Une fois construite, l’étendue devient pour nous l’ordre des choses objectives que la résistance nous révèle et, sans avoir peut-être de valeur objective, cette notion finit par être pour nous une notion nécessaire et universelle qui nous sert à ordonner scientifiquement nos sensations. En outre, «cadre commun du mécanisme et de la linalité », l’idée de l’espace est une idée-force.
Idée du moi. — Elle est due à la synthèse psychique, conditionnée elle-même par la permanence du même système cérébral. Cette idée a une triple tendance à se réaliser qui a assuré à l’être un avantage marqué dans la lutte pour l’existence. D’abord elle se manifeste par la volonté de soi qui organise les tendances de l’être vers un but conscient, ensuite par l’affirmation de soi en face du monde extérieur, enfin par la satisfaction de soi. Ce mouvement vers la satisfaction de soi s’est marqué par la conception de la prolongation du moi dans la durée : à la conscience du moi actuel s’ajoute ainsi l’idée symbolique d’un moi futur qui devient un centre de motifs nouveaux d’action ; l’être peut alors agir pour l’avenir et même pour une vie conçue comme éternelle, sub specie aeterni : c’est le fondement de la moralité. Mais outre le moi individuel, il y a aussi en nous un ensemble d’activités et d’impulsions sociales réduites à l’unité de conscience et qui constituent notre moi social, et cette idée est un nouveau moteur de l’action. Le facteur social a même joué un rôle important dans la genèse de l’idée du moi individuel : le moi dit rationnel ou transcendant s’est formé, pour une bonne part, comme le langage, sous l’influence des relations sociales : « L’unité que nous mettons dans nos sensations, l’ordre que nous leur imposons, cette fameuse fonction synthétique de la pensée, c’est en grande partie une fonction sociale, un effet de l’action et de la réaction mutuelles entre l’individu et tous les êtres plus ou moins semblables à lui-même avec lesquels la nécessité de vivre le met en constante relation ». Enfin la conception de la simplicité et de l’identité comme attributs du moi tend à réaliser progressivement cette simplicité et cette identité mêmes, éléments précieux de force et de survie dans la lutte.
Idée du temps. — Ici, comme partout en psychologie, le point de vue intellectualiste et statique doit être complété par le point de vue dynamique. L’élément-unité de temps à nous perceptible est déjà une durée, résoluble en une série de successions : le présent, si fugitif qu’il soit, n’est qu’un présent apparent, ayant déjà un passé. Ce que nous percevons, c’est donc toujours un changement interne. Grâce à la continuité de la conscience, nous sentons la transition d’un état à l’autre : d’où la possibilité de l’at-