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revue de métaphysique et de morale.

saurai que mon œil a exécuté le même mouvement parce que j’ai éprouvé les mêmes sensations musculaires.

Si je ne pouvais mouvoir mon œil, aurais-je quelque raison d’admettre que la sensation du rouge au centre de la rétine est à la sensation du rouge au bord de la rétine, comme celle du bleu au centre est à celle du bleu au bord. Je n’aurais que quatre sensations qualitativement différentes, et si l’on me demandait si elles sont liées par la proportion que je viens d’énoncer, la question me semblerait ridicule ; tout comme si l’on me demandait s’il y a une proportion analogue entre une sensation visuelle, une sensation auditive, une sensation tactile et une sensation olfactive.

Envisageons maintenant les changements internes, c’est-à-dire ceux qui sont produits par les mouvements volontaires de notre corps et qui sont accompagnés de changements musculaires ; ils donneront lieu aux deux observations suivantes, analogues à celles que nous venons de faire au sujet des changements externes.

1o Je puis supposer que mon corps se soit transporté d’un point à un autre, mais en conservant la même attitude ; toutes les parties de ce corps ont donc conservé ou repris la même situation relative, bien que leur situation absolue dans l’espace ait varié ; je puis supposer également que non seulement la position de mon corps a changé, mais que son attitude n’est plus la même, que par exemple mes bras qui tout à l’heure étaient repliés soient maintenant allongés.

Je dois donc distinguer les simples changements de position sans changement d’attitude, et les changements d’attitude. Les uns et les autres réapparaissent sous forme de sensations musculaires. Comment alors suis-je amené à les distinguer ? C’est que les premiers peuvent servir à corriger un changement externe, et que les autres ne le peuvent pas ou du moins ne peuvent donner qu’une correction imparfaite.

C’est là un fait que je vais expliquer, comme je l’expliquerais à quelqu’un qui saurait déjà la géométrie, mais il ne faut pas en conclure qu’il faut déjà savoir la géométrie pour faire cette distinction ; avant de la savoir, je constate le fait (expérimentalement pour ainsi dire) sans pouvoir l’expliquer. Mais pour faire la distinction entre les deux sortes de changement, je n’ai pas besoin d’expliquer le fait, il me suffît de le constater.

Quoi qu’il en soit, l’explication est aisée. Supposons qu’un objet extérieur se soit déplacé ; si nous voulons que les diverses parties de