Eudoxe. — Nous dirons donc qu’on peut apprendre à penser au sujet de la douleur, mais qu’on ne peut apprendre à éprouver une douleur.
Ariste. — Nous le dirons.
Eudoxe. — Cherchons donc, Ariste, à saisir cette douleur non mélangée de pensée.
Ariste. — Je le veux bien, quoique cela semble difficile.
Eudoxe. — Il me paraît que cette douleur, ainsi considérée, sera seulement ce qu’elle est en elle-même et seule, et ne sera rien de ce qu’elle est, comparée à d’autres douleurs.
Ariste. — Pourquoi cela ?
Eudoxe. — Comparer, n’est-ce pas penser ?
Ariste. — Je ne sais. Peut-être n’y a-t-il rien de plus dans la comparaison de deux douleurs que ces deux douleurs ensemble.
Eudoxe. — Examinons donc où sera la relation entre les deux choses comparées.
Ariste. — Je prétends que leur relation n’est pas distincte d’elles.
Eudoxe. — Fort bien. Mais cette relation appartient assurément à l’une et à l’autre ?
Ariste. — Oui, à l’une et à l’autre.
Eudoxe. — Tout entière à chacune d’elles ?
Ariste. — Il le faut bien, sans quoi d’autres difficultés se présenteraient.
Eudoxe. — Et non distincte de chacune d’elles.
Ariste. — C’est ce que J’ai affirmé.
Eudoxe. — Si donc je considère seulement l’une d’elles, elle contiendra sa relation à l’autre ?
Ariste. — Il faut l’accorder.
Eudoxe. — Mais comment contiendra-t-elle sa relation à l’autre sans contenir l’autre ?
Ariste. — Elle ne le peut sans contenir l’autre.
Eudoxe. — Quoi donc ? Voilà deux choses distinctes et juxtaposées, dont l’une contient l’autre !
Ariste. — Je vois bien qu’il faut dire que toutes les deux sont distinctes, mais réunies par quelque autre chose qui est leur rapport, et qui est distinct d’elles.
Eudoxe. — Cette autre chose, la rangerons-nous du côté de la pensée, ou du côté de la sensation ?
Ariste. — Du côté de la pensée, avec toutes les relations, Eudoxe.