Aller au contenu

Page:Revue de métaphysique et de morale - 14.djvu/830

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
750
revue de métaphysique et de morale.

cédemment à des résultats analogues aux miens ; la concordance est si évidente que M. Fouillée, faisant allusion aux objections de M. Christophe, ajoute que je n’ai pas manqué de les « reproduire ». Or, je n’ai jamais lu l’étude de M. Christophe ! C’est indépendamment l’un de l’autre que M. Christophe et moi nous emportons de la lecture de Guyau la même impression et les mêmes doutes. Ces doutes sont aussi ceux de M. Dauriac. M. René Berthelot accepte nos conclusions. Enfin, dans un ouvrage de M. Aslan (La morale suivant Guyau, Paris, Alcan, 1906) dont j’ai reçu communication récemment, je rencontre des critiques analogues à celles que j’ai présentées. Cette concordance est caractéristique.

Cela veut-il dire que nous n’ayons rien à apprendre dans l’œuvre de Guyau ? Des contradictions s’y rencontrent, plus graves que chez les philosophes d’esprit critique, et M. Fouillée a tort, me semble-t-il, de repousser pour Guyau le bénéfice de la vision imagée et poétique des choses. Cette vision, Guyau en possédait le secret ; il eût sans doute renié son tempérament s’il avait tenté d’en entraver l’expansion. Par contre, du moment que nous examinons les idées philosophiques au point de vue de leur contenu rigoureusement logique, nous devons avouer que, dans son enthousiasme et son besoin de « créer des valeurs », il n’a pas élucidé suffisamment les notions dont il fait usage.

2o J’ai, dit-on, reproché à Guyau le manque d’une théorie de la connaissance et d’une psychologie. Est-ce bien un reproche ? N’est-ce pas plutôt la constatation d’un fait ? Il est bien entendu que je ne demande aucunement au philosophe de publier un traité de logique ou de psychologie à l’usage des étudiants. Comprendre ainsi mon objection serait lui donner un sens qui est loin de ma pensée. Je veux dire qu’il est indispensable à celui qui traite un problème philosophique de se rendre compte le mieux possible de ses rapports avec les lois de la pensée et ses méthodes, et d’autre part, de consulter la psychologie sur le réel et sa complexité. À son tour, l’analyse du complexe nous fera comprendre la nécessité de pénétrer l’ordre, c’est-à-dire la pensée. Or, la lecture de Guyau ne laisse jamais soupçonner une théorie de la connaissance ni une psychologie, mêmes implicites. Mon observation porte non sur une question de forme, mais sur le fond même.

3o Enfin chacun, je pense, sera prêt à souscrire aux éloges que M. Höffding décerne à Guyau, s’il s’agit de la noblesse du caractère