Page:Revue de métaphysique et de morale - 15.djvu/816

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
808
revue de métaphysique et de morale.

fonction de repousser est un rapport qui ne peut être pensé sans tous ses termes, et ainsi « les parties du temps, précisément parce qu’elles s’excluent, sont solidaires[1] » ; ce qui s’exclut dans la pensée est ensemble dans la pensée ; dans le temps se retrouve la nature du Rapport, qui est corrélation d’opposés, c’est-à-dire à la fois répulsion et union. Tel est le temps ; le passé, le présent et l’avenir sont, puisqu’ils s’excluent, pensés tout de même ensemble ; et c’est cette manière d’être qui définit l’être pensé, si du moins on ne se repose pas dans une pensée abstraite et quasi verbale.

Même remarque à faire au sujet du mouvement. Le mouvement, lui non plus, ne se laisse pas analyser ; si on le réduit en parties, il disparaît ; et c’est ce qui a fait croire à Kant que le mouvement n’est pas un concept, pas plus que le temps et l’espace. Cette méprise vient de ce que l’on n’a pas assez considéré la nature du concept abstrait par excellence, le Rapport ; on y aurait vu une multiplicité d’éléments qui s’excluent et en même temps se supposent ; le pur Rapport est aussi bien indivisible déjà que le temps et le mouvement : « le Rapport est précisément ce quelque chose de défini et de subtil à la fois qui ne se laisse pas emprisonner comme une pierre dans les limites d’une surface rigide[2] ». Ainsi le plus simple des. concepts, si abstrait qu’il fût, était déjà capable de tout contenir, sans rien déformer ni emprisonner ; et le mouvement apparaissait, justement comme concept, avec ce caractère d’enfermer comme tout concept deux opposés pensés ensemble ; c’est en ce sens que notre auteur peut écrire : « prenant la notion pour ce qu’elle est, il faut avouer que tout mouvement est continu par essence[3] » ; et, plus clairement encore : « le quelque chose d’intermédiaire qui est enveloppé dans la notion du mouvement est intermédiaire à titre définitif[4] ». Un peu plus loin nous trouvons à dire quelque chose d’analogue au sujet de l’altération, ou changement de la qualité : la substance n’explique rien, car elle ne change point ; et c’est en vain que l’on veut composer le changement avec des concepts rigides ; au contraire, « par sa nature mobile et comme fluide, le Rapport fournit de lui-même le moyen de rendre, sans contradiction, au

  1. p. 220.
  2. p. 266.
  3. p. 115.
  4. p. 114.