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E. Chartier.Éléments de la représentation par Hamelin.

devenir de la qualité, la liaison indispensable de son commencement et de sa fin[1] ».

On comprend peut-être maintenant comment la causalité risque cette fois d’être construite comme elle est, avec le rapport de temps qui lui est essentiel, et même avec cette idée de progrès véritable et de production que le sens commun y attache, et qu’il fallait seulement purifier, non supprimer, sous peine de mutiler le concept. Notre dialectique nous fournit des matériaux et une définition ; elle nous donne même par surcroît un avertissement ; car elle a été jusqu’ici essentiellement progressive, et nous savons maintenant qu’on peut être conduit nécessairement d’une notion à une autre, sans que la première soit pourtant à la seconde comme le contenant est au contenu.

Considérons done de près nos matériaux et notre définition. La causalité est pour nous la synthèse de l’altération et de la spécification ; avant la causalité, on peut concevoir telle altération ou telle spécification, mais abstraitement ; la causalité exprime de plus ceci, que toutes les altérations et spécifications doivent former un monde lié. Que fait alors la cause ? Elle prononce simplement que telle altération ou telle spécification ne se fera pas comme elle se ferait si elle était seule ; l’effet est quelque chose de plus ; l’effet c’est cette même altération ou spécification, telle qu’elle se fait réellement ; ainsi l’effet est quelque chose de nouveau par rapport à la cause quoiqu’il suppose la cause, et ne soit intelligible qu’après la cause. Et ce rapport d’antériorité ne suppose pas une succession de fait ; car il exprime une dépendance rationnelle, et, même quand la cause et l’effet sont contemporains, comme par exemple s’il y a équilibre, il y a encore lieu de dire que la cause est antérieure à l’effet. On saisit peut-être en quel sens l’auteur peut écrire : « la réalité, au sens conceptuel, de ce qui fait que la cause est cause et qu’il y a passage à l’effet, constitue précisément à nos yeux et qu’il faut affirmer avant tout, quand on prétend admettre et reconnaître la notion causale »[2].

Ce qui fait qu’on laisse trop souvent échapper l’essentiel de la notion de cause, c’est qu’on ne la pense point à son rang. Elle vient, comme on a pu voir, après l’altération et la spécification ; donc, si l’on veut concevoir la cause comme il faut, il est nécessaire que l’on pose d’abord quelque changement défini et explicable par des rai-

  1. P. 166
  2. P. 222