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revue de métaphysique et de morale.

Il faut insister sur les raisons spéciales qu’il pouvait avoir d’attendre que la liberté vint se définir en son rang et à sa place. Il n’en fallait pas moins pour donner l’être à un tissu d’abstraction. Joignons la cause et la fin, mettons ensemble toutes les raisons d’être ; il reste que tout cela est encore abstrait et simplement possible ; aucune théorie ne peut faire être un individu déterminé, et ce n’est point l’Humanité qui fait être tel homme, ni l’idée d’un système de forces qui fait agir tel système de forces. Dira-t-on que tout être existe par raisons extrinsèques, et, que, par exemple, dans un mécanisme, toutes les parties font exister chaque partie. Cela n’est qu’abstrait. Ce n’est vrai que d’un mécanisme donné ; il faut que tel mécanisme soit donné. À vrai dire nous sommes renvoyés d’un problème à d’autres problèmes, et d’un non-être à un non-être. Je conçois bien que des êtres une fois donnés se conservent les uns les autres dans l’existence ou se chassent les uns les autres de l’existence, mais il faut d’abord que ces êtres existent. L’essence, qui n’est qu’un possible, ne se suffit pas à elle-même ; il faut que l’existence s’y ajoute, mais non du dehors ; de sorte qu’il faut qu’en un sens l’existence soit inexplicable, sans quoi elle serait seulement possible, et ce n’est pas être du tout qu’être seulement possible ; mais il faut aussi qu’en un sens l’existence soit explicable ; et comment peut-elle l’être, sinon en ce sens qu’elle s’ajoute enfin au système des autres notions en vertu d’une nécessité dialectique, quoiqu’en gardant toujours son caractère propre. Or, dans notre méthode de construire les essences, nous voyons qu’à chaque degré l’essence s’enrichit réellement. On ne peut pas dire qu’elle développe peu à peu ses replis ; bien plutôt disons qu’elle se complète, parce qu’elle ne peut se définir elle-même sans définir quelque chose qui lui manque encore. « Partir de soi, restant en soi, et partir de Dieu », cette formule d’un interprète de Descartes, citée par notre auteur[1] donne, si on l’entend, la clef de toute sa dialectique. Car, bien loin que cette construction de l’Univers représenté soit, pour parler comme Aristote, une succession d’épisodes, tout au contraire ; et s’il y a quelque condition qui puisse être dite interne, c’est par dessus tout

    richesse de cet ouvrage, disons que l’auteur expose en cent pages (344-444) une théorie du connaître, (Représentation théorique : objective, subjective, logique. — Représentation pratique : technique, esthétique, morale), à laquelle il faudrait consacrer un long article. Il était sans doute plus utile d’étudier le système comme tel.

  1. Hamelin, p. 455.