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revue de métaphysique et de morale.

que l’acte libre dans la conscience de l’agent ; et, si l’on pose une pluralité de consciences, il faut y joindre, pour une conscience, l’acte libre qui s’est accompli dans une autre[1]. Mais nous en venons alors aux conjectures. La dialectique nous laisse à la conscience. Nous pouvons nous élever jusqu’à Dieu et jusqu’à la cité des consciences en considérant le possible et le probable ; tout au plus peut-on dire, et nous venons d’en donner un exemple, que nos conjectures sont limitées par ce que nous savons. Le lecteur se retrouvera sans peine dans ce système monadologique que notre auteur propose seulement comme vraisemblable[2]. Aussi bien nous n’exigeons plus ici de preuve à la rigueur. Le monde s’affirme assez pour que nous n’allions pas nous croire seuls ; et nous sentons assez vivement deux choses, une loi sans exceptions dans le monde, et des actions et réactions d’êtres pensants autour de nous, pour que nous n’éprouvions pas Le besoin de pousser encore plus loin notre preuve ontologique. Un besoin plus pressant, c’était de savoir ce que lon pense lorsqu’on pense ; si ardue que soit la tâche, on ne peut la remettre, et, comparée à la réflexion, la religion est une espèce de luxe. Encore faut-il dire qu’il est beau, à l’exemple de Platon, de se reposer d’arides recherches sur les concepts par quelques conjectures poétiques, qui sont comme le sourire de la pensée après un long enfantement. Et ici encore notre auteur, sans se méprendre sur la portée des arguments qu’il propose, renouvelle en quelques lignes la Théodicée, qu’il appelle bien Noodicée. « Si mauvais que soit le monde, au moins tel que l’humanité le connaît, un fait éclatant y domine tous les autres, c’est qu’il n’y a pas d’intervention étrangère au déterminisme qui vienne briser le résultat de nos efforts… de sorte que le succès final de l’entreprise à laquelle travaille l’humanité est assuré, c’est-à-dire que le plein et entier épanouissement de la personne humaine sera obtenu ». Ce serait beau, disait Socrate, si c’était vrai. M. Hamelin n’est inférieur à personne, lorsqu’il refait, avec d’autres mots, la même prière : « l’existence par soi, lorsqu’on la prend au sens absolu, l’univers avec son organisation si éperdûment vaste et profonde, ce sont là de prodigieux fardeaux. Ce n’est pas trop de Dieu pour les porter ».

E. Chartier.
  1. P. 373.
  2. P. 450-468.